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Page:Spenlé - Novalis.djvu/197

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PHILOSOPHIE DE LA NATURE

sans qu’apparût non plus dans l’univers un antagonisme primitif et irréductible, la pensée individuelle et la nature apparaissaient distinctes et cependant prêtes toutes deux à s’harmoniser, à s’unir dans un même accord. Et ainsi à l’origine de toute perception comme de toute connaissance on rencontrait une sympathie mystérieuse entre l’être qui perçoit et la chose perçue, entre le sujet connaissant et l’objet connu. La connaissance elle-même devenait un acte d’amour. Toute une sphère d’activité magique s’entr’ouvrait à l’âme, — dont l’amour, la musique, la prière, la magie nous révèlent les multiples aspects : car toutes ces activités amènent certaines parties de l’univers à concorder avec notre propre pensée : elles atteignent le monde non plus par le dehors, mais par le dedans, par un lien invisible et profond.

Une conception analogue de la nature, symboliste et magique, se trouvait déjà esquissée dans les premiers fragments de Novalis qui, sous le nom de « Poussière d’étamines » (Blütenstaub), avaient paru dans l’Athenæum. au printemps de l’année 1798. « J’ai eu le plaisir », écrivait Just, « d’y retrouver d’anciennes connaissances. Aussi étais-je heureux de pouvoir m’écrier de temps en temps : voilà du vrai Hardenbergianisme. »[1] C’est ce qui ressort aussi de la lettre où Novalis annonce à Guillaume Schlegel l’envoi de ses fragments. « La plupart sont d’ancienne date et ont été simplement détournés. » Ces derniers mots donnent à entendre que les fragments ont subi un remanîment. Sans doute la mort de Sophie et cette orientation toute mystique que prit la pensée du poète, ainsi que les préoccupations théosophiques et occultistes nouvelles et surtout la lecture approfondie de Plotin, rendirent nécessaire une rédaction nouvelle. Essayons d’abord de définir dans son esprit et dans ses grandes lignes cette théosophie romantique de la nature. Nous en saisirons mieux ensuite les applications particulières ainsi que les manifestations dans la littérature.

  1. Nachlese, op. cit., p. 183.