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Page:Spenlé - Novalis.djvu/198

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NOVALIS

Il s’agit d’une physique toute « symboliste ». Elle est fondée sur le principe d’universelle analogie et sur l’idée d’une révélation continue du moral par le physique et inversement. En cela réside, avons-nous vu, l’essence même du symbolisme. C’est l’ancienne conception cabalistique du microcosme et du macrocosme, appliquée à la littérature et adaptée au goût moderne. L’homme est la clé de l’univers. Tous les mystères de la nature se trouvent à la fois impliqués et révélés en lui. Les éléments et les forces qui, en dehors de lui, semblent se combattre ou se fuir, les voici dans l’œuvre merveilleuse de son corps rassemblés, combinés, mariés dans une synthèse supérieure qui est en même temps une harmonie plus parfaite. « Il n’y a qu’un seul temple dans l’univers, et ce temple c’est le Corps humain. Rien n’est plus sacré que cette forme auguste. S’incliner devant un homme, c’est rendre hommage à cette révélation par la Chair. On touche le Ciel, quand on touche le Corps humain. »[1] Et inversement la nature est un immense organisme, — une « Âme universelle », disaient les néo-platoniciens, — un « Animal-univers », dira le physicien romantique, c’est-à-dire un démiurge vivant, un Homme infini et divin. « Ce démiurge de la Nature (dieser Nuturgott) nous mange, nous enfante, nous parle, nous élève : il se laisse manger, engendrer et enfanter par nous : il est la substance infinie de nos activités et de nos passivités. »[2] Les espèces et les êtres innombrables ne sont que les ébauches imparfaites qui préparent et annoncent ce corps divin de l’univers. Car cette organisation harmonieuse qu’un miracle semble opérer dans le corps de l’homme, la nature s’efforce de la produire « en grand », dans toutes ses parties. Autour de nous, à travers les trois règnes, gisent les matériaux, comme épars sur le chantier, et nous en ignorerions à jamais la destination suprême, si le plan de l’Architecte ne se trouvait indiqué dans un exemplaire succinct : ce plan de l’univers,

  1. N. S. II, 1, p. 337.
  2. N. S. II, 1, p. 279.