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PHILOSOPHIE DE LA NATURE


c’est nous-mêmes. Car l’Homme seul peut donner une signification à la création. Il est « le Sens » de la Terre.

Ainsi se précise le principe éminemment religieux de la physique symboliste. La science est irréligieuse. Elle brise la continuité de l’Être et du Devenir ; elle rompt le tissu organique de l’univers. « La physique inférieure n’étudie le minéral que parmi les minéraux. » Il lui manque l’intuition totale, organique et divinatoire. Le savant analyse ; il fait subir à la nature une torture compliquée, mais, après cette minutieuse vivisection, il est incapable de rassembler les membres disjoints afin de reproduire le divin archétype, de leur communiquer le frisson, le rythme, l’empreinte inimitable de la vie. À l’automate inerte de la science matérialiste le philosophe romantique opposera le démiurge créateur, la nature vivante, douée de spontanéité et de progrès, animée d’un instinct d’organisation universelle, jusqu’en ses plus infimes parcelles. À l’inverse du savant il interprétera la Nature par l’Homme, non l’Homme par la Nature, et les formes inférieures par les supérieures ; il verra dans ce qui est « en bas » l’ébauche de ce qui est « en haut » ; il surprendra ce « nisus » sacré qui soulève le monde dans toutes ses parties, qui porte la pierre vers la plante, la plante vers l’animal, l’animal vers l’homme et l’homme vers Dieu. Car ce sont là les étapes, les « potentiations » successives du même instinct organisateur et divin. « Toutes les forces de la Nature ne sont qu’une seule force. La pensée est comme la floraison. — la force universelle de la nature, portée à la dignité et à la puissance n. »[1]

La connaissance de la nature sera donc nécessairement religieuse et symboliste, c’est-à-dire, selon l’expression de Novalis, « antithétique-synthétique ». Par son corps l’homme est à la fois introduit dans la communion des êtres, (puisque dans son corps la nature est tout entière active et comme impliquée). — et il en est exclu, puisqu’il

  1. N. S. II, 1, p. 231 et 213. Voir encore II, l, p 265 etc.