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Page:Spenlé - Novalis.djvu/207

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PHILOSOPHIE DE LA NATURE

médecine, pour l’hygiène aussi bien que pour l’industrie ont découlé de ces nouvelles prémisses. »[1]

Les carnets du physicien Ritter, les fragments scientifiques de Novalis portent bien la trace de cette effervescence universelle. On se trouve à une de ces époques de fermentation chaotique, où soudain des masses nouvelles d’idées sont projetées, comme par un feu souterrain, à la surface de la terre. Dans la dissolution des formes établies et des notions traditionnelles, tout à coup des horizons inconnus, des continents nouveaux surgissent. L’ivresse de l’inconnu gagne tous les esprits. C’est l’heure des grandes espérances et des rêves chimériques. Si quelques génies particulièrement puissants et comme providentiels, tels que Lavoisier, parviennent à opérer la synthèse scientifique des éléments nouveaux, élaborent méthodiquement un ordre déterminé de certitudes positives et en définissent rigoureusement, la méthode et les frontières, — d’autres sont davantage préoccupés de fondre les masses neuves, encore informes et chaotiques, dans l’ensemble de la vie, de la pensée, de l’activité humaines. Esprits intuitifs, prophétiques, souvent chimériques, ils portent leur pensée sur tous les points à la fois, comme s’ils devaient enfanter un univers nouveau. En Allemagne surtout. — qui était alors un pays très arriéré, presque sans organisation sociale et sans activité industrielle, — toute l’activité scientifique refluait vers les problèmes de pure spéculation et, dès l’abord, la grande révolution scientifique perdit le caractère positif et expérimental qu’elle avait eu en France, pour se transformer en uni mouvement spéculatif, en une philosophie métaphysique de la nature. À travers les premiers écrits de Schelling on peut voir par quel effort fiévreux d’assimilation et de trituration philosophiques le jeune auteur s’efforcait de renouveler la vieille méthode métaphysique de construction abstraite, systématique et « à priori », en l’adaptant aux découvertes nouvelles.

  1. Berthelot — La Révolution chimique, Lavoisier — Paris, 1890 — Voir l’« Introduction ».