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Page:Spenlé - Novalis.djvu/208

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NOVALIS

À côté des philosophes purs, on voit se constituer en même temps une classe particulière de physiciens, qui ne se rattachent ni au rationalisme philosophique, ni à l’empirisme scientifique, qui combattent le premier au nom de l’expérience et le second au nom d’une conception mystique et religieuse de la nature. Ce sont proprement les physiciens romantiques.

Parmi ces derniers une des figures les plus curieuses et les plus géniales est assurément celle de J. W. Ritter, tout ensemble physicien, cabaliste, théosophe et, à ses heures, quelque peu poète. Il appartenait à la famille des esprits autodidactes, intuitifs, mais confus, désordonnés, véritables déclassés supérieurs, qui ne parviennent jamais à discipliner leur imagination aventureuse, à mettre un peu de suite dans leurs intuitions incohérentes. Apprenti apothicaire, il avait été, grâce à l’entremise de Novalis, tiré de ces occupations médiocrement, intellectuelles. Des protections mystérieuses lui permirent de combler peu à peu les lacunes de son éducation première. D’un caractère à la fois timide et ombrageux, susceptible et farouche, incapable de s’assurer la vie par un travail régulier, il se livrait à ses recherches sur le galvanisme avec une passion et une opiniâtreté d’alchimiste, mêlant à des observations très précises, à des découvertes géniales, qui dénotaient un sens profond de l’expérimentation scientifique, les plus chimériques rêveries. Il était, raconte-t-il lui-même dans l’introduction à ses Fragments, affecté d’un tic bizarre, qui prenait l’apparence d’un « esprit » lutin et rappelle, à s’y méprendre, « l’écriture automatique » des médiums spirites. Ce tic l’obligeait, à tout instant, à s’interrompre dans le feu même de la composition et à écrire en marge de son manuscrit les inventions les plus burlesques.[1] En même temps que Volta, et sans connaître les recherches de ce dernier, il avait découvert les phénomènes du galvanisme et dans une conférence qu’il fit en au-

  1. Voir : Fragmente aus dem Nachlass eines jungen Physikers, Heidelberg, 1810. p. XCIX et suiv.