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Page:Spenlé - Novalis.djvu/212

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NOVALIS

tôme inquiétant pour notre époque et il a fallu une période de dissolution comme la nôtre pour que, même sous les formes superficielles qu’elle revêtait souvent, cette entreprise ait pu passer, auprès de beaucoup, pour quelque chose de vraiment profond et de consistant. » Quant à Solger, il ne veut y voir qu’« un amusement de l’imagination qui papillonne autour des abîmes de la conscience humaine… On découvre quelques parcelles de notre vie intérieure, on les arrache du Tout, on montre les organes palpitants, et les profanes, qui n’ont pas été accoutumés à l’intuition méthodique, croient saisir dans ces spasmes maladifs les tressaillements voluptueux d’une vie supérieure. C’est ainsi que même aux non-initiés on entr’ouvre des échappées troublantes sur les mystères sacrés de la nature, par où on entend ces régions où voisinent la folie et la conscience normale, les états du magnétisme animal et d’autres encore, qui ont d’autant plus d’attrait, qui passionnent d’autant mieux une curiosité exclusive et entraînent d’autant plus facilement les esprits dans une sorte de vertige moral, qu’ils sont moins compris. »[1]

Ce signalement répond assez bien aux aspirations qui se faisaient jour dans l’entourage de Ritter et dont les fragments de celui-ci, auxquels le souvenir de Novalis se trouve si étroitement rattaché, nous apportent de nombreux témoignages. Dans une longue introduction, rédigée pour initiés et volontairement énigmatique, l’auteur parle d’une « physique supérieure », dont la révélation se faisait, non par la « tête », mais par le « cœur », ou plutôt par Dieu, « car, dit-il, Dieu même est ce Cœur, et en Lui seulement une chose peut être intégralement pensée et comprise ». Il oppose à la physique commune, attachée à l’observation servile des phénomènes extérieurs, cette connaissance supérieure, à laquelle quelques élus seulement avaient accès. « Tout ce qu’ils possédaient là », dit-il, « ils ne le verront distincte-

  1. Voir Solger, Nachgelassene Schriften und Briefwechsel, Leipzig, 1826. II, pp. 183-184 et pp. 192-193.