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Page:Spenlé - Novalis.djvu/223

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PHILOSOPHIE DE LA NATURE

rieure, pressentie par Plotin, « qui ne s’occupe plus des corps réels, mais qui porte ses entreprises audacieuses dans le chaos universel pour y établir un ordre tout nouveau. »[1]

« Vivifier tout, c’est le but de la vie ». C’est le but aussi de cette physique supérieure, symboliste et magique. Il n’y a rien de mort dans la nature ; tout a vécu et tout vivra encore. « Les terres sont les ancêtres des vivants actuels », disait Ritter, « Elles ont vécu jadis l’une après l’autre. À présent elles reposent ensevelies et des enfants jouent parmi les fleurs qui ornent leurs sépulcres. » La mort, l’inertie, le sommeil ne sont qu’apparents, provisoires. Tout ce que nous avons le droit d’affirmer, c’est que nous ignorons les stimulants appropriés qui tireront la nature de cette léthargie passagère, les réactifs assez puissants pour ranimer les énergies engourdies. « La vie est partout, seulement nous appelons mort ou nature morte tout corps dont l’excitabilité n’atteint pas une certaine limite apparente… Sans la chimie nous appellerions inertes une foule de corps qui ne le sont pas en réalité. L’âme aussi est susceptible de degrés. L’âme la plus élémentaire est aussi la plus faible et ne peut être stimulée que par les excitants les plus intenses ou par une excitation ininterrompue ».[2] En ces termes Novalis formulait scientifiquement la nouvelle foi panthéistique.

Aux poètes surtout il appartient d’annoncer l’évangile naturiste. Pareils à « ces enfants qui jouent parmi des tombes », dont parlait Ritter, ils chantent au sein de la mort l’hymne de l’universelle résurrection. La nature se change pour eux en un poème, en une « histoire » romanesque et féerique . Il suffit de jeter un coup d’œil sur le monde animal pour voir qu’une imagination humoristique s’est ingéniée à produire les types les plus bizarres, mêlant le grotesque à l’effroyable, produisant pêle-mêle les formes les plus nobles

  1. N. S. II, 1, p. 232.
  2. N. S. II, 1, p. 318 et II, 2, p. 437.