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Page:Spenlé - Novalis.djvu/224

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NOVALIS

et les caricatures les plus amusantes. Qui ne s’est parfois perdu dans la contemplation des plantes et des fleurs ? Elles semblent nous parler en des hiéroglyphes si simples et pourtant si obscurs. « Je ne me lasse pas », dit un personnage du roman Henri d’Ofterdingen, « d’examiner minutieusement les diverses essences végétales. Les plantes nous apportent si directement le langage du sol, chaque feuille nouvelle, chaque fleur particulière ressemble à un mystère qui se pousse à la lumière et qui, subitement paralysé par l’amour et la joie, comme frappé de mutisme, se métamorphose en une plante pensive et silencieuse. Lorsqu’à un endroit solitaire on rencontre une pareille fleur, ne semble-t-il pas que tout soit transfiguré dans son voisinage et que les petits chanteurs ailés s’arrêtent de préférence en ce lieu ? On voudrait pleurer de joie et, loin du monde, enfoncer dans la terre les mains et les pieds, pour y pousser des racines et ne plus jamais s’éloigner de ces parages enchantés. »[1]

Les corps élémentaires eux aussi, avec leurs propriétés physiques et leurs affinités chimiques peuvent apparaître comme les inventions d’un démiurge-poète. Chaque corps a une valeur allégorique : il est une image originale où se reflète le chaos créateur. Il y a là le principe d’une « physique fantastique », dont la révélation ne peut être apportée qu’allégoriquement, dans un « mythe » poétique. La nature minérale est pareille à une vrille magique pétrifiée. Elle gît, silencieuse et sans vie, encore engourdie sous les frimas de l’hiver. Rien ne s’agite dans les rues sonores. Mais, comme au sortir de l’hiver nous assistons dès à présent à un réveil partiel, de même sous les brises d’un renouveau universel, la Belle-au-bois-dormant se réveillera peut-être un jour. « La Nature ne doit pas être expliquée à l’état d’immobilité, mais comme une activité progressant vers la moralité… Un jour il n’y aura plus de Nature, tout se transformera progressivement en un univers spirituel… La Nature doit devenir morale : nous sommes ses éducateurs, ses tangentes

  1. N. S. I, pp. 172-173.