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Page:Spenlé - Novalis.djvu/236

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NOVALIS

nique et fait passer un courant voltaïque entre le couple irrégulier, désormais irréprochablement uni. Mais, du même coup, par cette union symbolique, tous les éléments de la Nature, toutes les matières isolées se sont fondues en un corps nouveau, universel, infiniment mobile, fluide et éthéré, qui reflète en lui les formes innombrables des choses, nées de l’imagination capricieuse de la Nature. « Le mercure », disent les écrits alchimiques, « prend toutes les formes, de même que la cire attire toute couleur ; ainsi le mercure blanchit tout, attire l’âme de toutes choses… il change toutes les couleurs et subsiste lui-même, tandis qu’elles ne subsistent pas ; et même s’il ne subsiste pas en apparence, il demeure contenu dans les corps. »[1] C’est aussi ce Mercure des Philosophes, cette matière universelle, véritable miroir de la Nature, susceptible de recevoir toutes les formes, toutes les empreintes, toutes les spécialisations, — qui constitue désormais le Corps terrestre par excellence, celui que revêt le Père, c’est-à-dire le Sens, ou la Réalité sensible, après son union régulière et légitime avec Ginnistan, avec l’imagination capricieuse de la Nature. « Le métal se coagula et se changea en un miroir limpide. Le Père se souleva, ses yeux brillaient, et encore que sa stature fût belle et expressive, cependant son corps paraissait être un fluide subtil, d’une mobilité inflnie, où chaque contact se trahissait par les mouvements les plus variés et les plus gracieux. »[2] Il faut encore que la Nature devienne aimante et morale. Aussi Sophie verse-t-elle dans la coupe de l’autel les cendres de la Mère, c’est-à-dire du Cœur humain et des affections morales, et tous ceux qui viennent goûter au divin breuvage sentent au-dedans d’eux les pulsations d’une vie généreuse et aimante.

L’heure a sonné de rapprocher les deux couples royaux, Éros et Freya d’une part, Arctur et Sophie de l’autre, c’est-à-dire la Nature et l’Amour, la Sagesse divine et le Hasard

  1. Voir Berthelot, Les Origines de l’alchimie, Paris, 1885, p. 272.
  2. N. S., I, p. 151.