Aller au contenu

Page:Spenlé - Novalis.djvu/248

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
240
NOVALIS

tous deux la nature comme une révélation progressive de l’Esprit, comme une « histoire » philosophique et mystique. Mais, pour expliquer ces similitudes, point n’est besoin de supposer une filiation directe d’idées entre les deux auteurs. Tous deux ont puisé aux mêmes sources, ou à des sources voisines : ils ont été éduqués l’un et l’autre par l’idéalisme de Fichte, ils ont utilisé les découvertes récentes de la chimie, de l’électricité, du magnétisme, tout en s’inspirant, pour la partie spéculative, d’écrits néo-platoniciens ou théosophiques. Les mêmes idées on les retrouve en effet chez la plupart des philosophes ou théosophes naturalistes du temps, aussi bien chez Saint-Martin en France que chez Ritter ou Baader en Allemagne. Il se passe dans le monde des idées générales et philosophiques ce qui quelquefois se produit dans le domaine scientifique. Le grand inventeur, aux yeux de la postérité, c’est moins celui qui a découvert ou formulé le premier un fait, une loi, une pensée nouvelle, que celui qui a su utiliser ces découvertes ou exposer avec ordre ces idées. Incontestablement Schelling fut le grand « metteur en scène » de la philosophie romantique en Allemagne. Mais il n’en est pas moins vrai qu’il suivit le mouvement plutôt qu’il ne le dirigea, qu’il fut avant tout un assimilateur brillant, un organisateur de grand talent. Bien plus, à en juger par l’évolution que suivit la philosophie de la Nature, Novalis pourrait plutôt passer pour l’initiateur ou tout au moins pour le précurseur de Schelling, puisqu’il défendait alors déjà une conception, à laquelle Schelling s’est en partie rattaché dans la suite.

Sur deux points essentiels du reste Novalis se séparait nettement de Schelling.[1] D’abord la philosophie de la nature de ce dernier ne satisfaisait pas en lui l’homme de métier. l’ingénieur des salines de Weissenfels. Celui-ci, en dépit de tout, était un empirique. Préoccupé de tirer des décou-

  1. Il s’agit, dans tout ce qui suit, de la première philosophie de la Nature de Schelling, — la seule que Novalis ait pu connaître.