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Page:Spenlé - Novalis.djvu/249

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PHILOSOPHIE DE LA NATURE

vertes positives de la science des perfectionnements techniques et industriels, il ne s’expliquait guère l’opportunité de cette physique exclusivement spéculative, qui prétend construire l’univers a priori, par une déduction transcendantale, et qui ne fait à vrai dire qu’utiliser et exposer systématiquement les grandes découvertes de l’empirisme, sans y ajouter, pour le fond, rien de nouveau. « Nos physiciens d’aujourd’hui font les choses grandement ; ils vous parlent de construction de l’univers et avec tout cela rien ne se fait, on n’avance en réalité pas d’un seul pas. Il faut ou de la magie, — ou de l’activité professionnelle accompagnée de réflexion et d’esprit. »[1] Si jadis le disciple de Fichte croyait encore à la vertu miraraculeuse des systèmes et des constructions a priori, l’enseignement technique reçu à Freiberg et l’exercice de la profession d’ingénieur ainsi que la fréquentation du physicien inventeur Ritter lui ont appris la valeur de l’observation et de l’expérience. Ce n’est pas qu’il méconnaisse aujourd’hui plus qu’autrefois le rôle initiateur du génie, même dans les sciences positives. Mais le génie procède par divination et non par construction abstraite ; la vraie méthode consiste à interroger la nature, à l’obliger à nous répondre elle-même, et non à nous substituer à elle pour développer ex-professo un système tiré de notre propre esprit. « L’expérimentation exige un génie naturel, c’est-à-dire une aptitude merveilleuse à rencontrer le sens de la nature et à agir dans son esprit. Le véritable observateur est un artiste ; il pressent ce qui est important, dans le chaos fuyant des phénomènes il trouve instinctivement ceux qui ont de la valeur. »[2]

Par un autre aspect encore la philosophie de Schelling, telle qu’elle se présentait alors, devait déplaire à No-

  1. N. S. II, 1, p. 202.
  2. N. S. II, 1, p. 233. Voir aussi N. S. II, 2, p. 499. « Combien peu ont le génie de l’expérimentation ! Le véritable expérimentateur doit avoir le pressentiment obscur de la Nature… La Nature inspire pour ainsi dire celui qui l’aime passionnément et se révèle par lui d’autant mieux qu’il harmonise lui-même davantage avec elle par sa constitution… » etc.