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Page:Spenlé - Novalis.djvu/250

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NOVALIS

valis : Celui-ci la trouvait trop irréligieuse, trop athée. « Schelling », disait-il, « est le philosophe de la chimie moderne ».[1] Son point de départ est « un concept borné de la nature et de la philosophie ». Il lui manquait à cette époque-là encore le sens mystique de l’infini, de l’occulte, du divin ; son Absolu se laissait, comme monde « idéal », entièrement pénétrer par la pensée philosophique, et, comme monde « réel », complètement percevoir par les sens. Son Dieu n’avait pas encore reçu la majesté suprême du mystère : il se révélait tout entier dans la Nature et la Raison. Or ce n’est point là, avons-nous vu, le vrai point de vue romantique. Pour le poète romantique le symbole sensible n’est qu’une représentation très incomplète de l’Essence invisible. Entre la nature et nous il y a des correspondances beaucoup plus profondes et plus primitives que celles que nous percevons par les sens. C’est peu de chose que de déchiffrer correctement les hiéroglyphes gravés sur la façade du Temple : il faut, que le vrai disciple soulève encore dans le sanctuaire le voile de la déesse. « Si aucun mortel ne soulève le voile du côté de cette inscription là-bas, il nous faut donc tenter de devenir immortels. »

« Schelling » annonçait Frédéric Schlegel à ses correspondants romantiques, « vient d’avoir un nouvel accès d’irréligiosité ». Il venait en effet de déclarer la guerre aux tendances mystiques qui commençaient à se faire jour dans les cercles romantiques d’Iéna, à toute la coterie des physiciens romantiques et religieux qui entouraient Ritter, et dans un accès de mauvaise humeur et de verve satirique, il avait écrit, en vers macaroniques, « la Profession de foi épicurienne de Heinz Widerporst. »[2] Toutes « ces doctrines supra-terrestres, auxquelles de force ils ont voulu le convertir », toutes ces pratiques occultes, déclarait-il, ne faisaient pas son affaire. Sa religion à lui, c’est la matière. « Je ne fais pas grand cas de l’invisible, je m’en tiens à ce qui

  1. N. S. II, 2, p. 509.
  2. Voir Plitt, Aus Schellings Leben, op. cit., I, p. 282 et suiv.2