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Page:Spenlé - Novalis.djvu/258

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NOVALIS

et eux-mêmes francs-maçons théosophes, pliaient à leurs desseins à grand renfort de spectres et d’apparitions, ils prenaient à leur tour le mot d’ordre dans une loge berlinoise de la Rose-Croix, la loge Frédéric-au-Lion-d’Or et ils avaient réussi à y faire initier leur maître, sous le nom d’Ormesus Magnus. Des espérances toutes particulières s’attachaient donc, pour les adeptes de la Franc-Maçonnerie mystique, an trône de Prusse. La pensée politique de Wœllner avait été d’encourager le mysticisme dans toutes ses manifestations, afin de trouver un contre poids moral à la propagande révolutionnaire. Il songea même un instant à rattacher en bloc à l’Ordre de la Rose-Croix l’organisation des frères Moraves, restés sans chef à la mort de Zinzendorf. En même temps une censure ecclésiastique fut instituée à Berlin, avec mission de réprimer tous les ouvrages qui contiendraient des principes contraires à la religion. Le libraire Nicolaï, Franc-Maçon selon la vieille formule et adversaire inlassable des innovations mystiques, où il flairait — non sans raison parfois — des influences jésuitiques. Nicolaï dut abandonner la direction de l’« Neue Allgemeine deutsche Bibliothek », qui fut pendant quelque temps interdite, comme « ouvrage dangereux pour la religion ».[1]

À ce parti de réaction piétiste se rattache aussi l’œuvre politique et religieuse des romantiques, et particulièrement, de Novalis. Nous y retrouverons la même conception théocratique de l’État, et aussi le rêve d’une restauration religieuse universelle, affectant la forme d’une sorte de catholicisme idéal — très différent du reste encore, par ses traits essentiels, du catholicisme historique romain. Le jeune poète romantique se rattacha-t-il effectivement à une de ces innombrables sectes illuministes ou maçonniques qui pullulaient alors sur le territoire allemand et qui attiraient à elles toute l’élite cultivée, désireuse d’exercer une action sociale ?

  1. La Revue fut éditée pendant quelque temps à Kiel On trouve des renseignements sur cet épisode dans la préface écrite par Nicolaï au tome LVI de la « Neue Allgemeine deutsche Bibliothek », Berlin und Stettin, 1801.