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Page:Spenlé - Novalis.djvu/262

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NOVALIS

en plus à se survivre et se disposait à agir en conséquence. Partagé entre ses pensées de mort prochaine et de nouvelles velléités matrimoniales, il s’efforçait de découvrir une solution intermédiaire et n’eût pas été fâché que quelqu’un brusquât pour lui cette solution. « Pour trouver une bonne épouse », observe-t-il dans ses fragments politiques, « un jeune homme prudent en était réduit, jusqu’à présent, à se rendre dans les coins les plus reculés de la province ou à rechercher des familles isolées, loin de la ville et de la cour. Désormais il s’en ira simplement à la cour : ce sera le rendez-vous de tout ce qu’il y a de beau et d’honnête et on se félicitera de recevoir sa femme des mains « le la reine. »[1]

Cependant si grande qu’ait été la transformation dans les idées politiques de Novalis, il n’en est pas moins vrai que jusque dans son apologie de la monarchie de droit divin se retrouve beaucoup de son ancien enthousiasme révolutionnaire. Tout au moins sa conception de l’État est-elle en opposition complète avec l’ancienne conception monarchique, qui avait été celle des meilleurs esprits du 18me siècle en Allemagne et que défendait éloquemment Guillaume de Humboldt Aux partisans de cette doctrine l’État apparaissait comme un mal nécessaire, comme une puissance policière, exclusivement répressive. Ils lui donnaient pour unique fondement l’égoïsme bien entendu des individus. Il importait donc de se défendre jalousement contre lui, de tracer de plus en plus nettement les « limites » de son action. Humboldt lui déniait le droit d’intervenir dans les questions d’éducation, lui interdisait de vouloir être la source d’aucun progrès positif, que ce fût dans l’ordre économique, moral ou social : tout le bien qu’on pouvait en attendre, c’est qu’il n’entravât pas l’initiative des particuliers, qu’il ne portât pas une curiosité indiscrète et tracassière dans la sphère intime de la conscience personnelle et de la vie privée. Telle était, comme on dirait aujourd’hui, la thèse « libérale » de l’é-

  1. N. S. II, 1, p. 46.