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Page:Spenlé - Novalis.djvu/263

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LA RELIGION NATURISTE

poque. Tout opposée était la conception politique, issue de l’enthousiasme révolutionnaire, et qui ne tendait à rien moins qu’à absorber l’homme tout entier dans le citoyen.

Car ce fut un des résultats les plus indiscutables de la Révolution française que d’éveiller partout l’esprit public. Ce que Novalis appelle à diverses reprises le « républicanisme » n’est que le patriotisme civique moderne, porté par la Réolution à sa plus haute conscience. Républicain, Novalis le restera donc encore par sa conception quasi-religieuse de l’État-éducateur, source de tout progrès comme de tout droit positif, en qui il salue, comme Robespierre, l’incarnation d’une Idée divine, de la Raison et de la Vertu. « Le besoin de vivre dans un État est le besoin le plus pressant de l’homme. Pour devenir et rester un être humain, il a besoin d’un État… Toute la civilisation procède des rapports de l’homme avec l’État. Plus l’homme est civilisé, plus il est membre intégrant d’un État policé. »[1] L’État doit de plus en plus attirer à lui toutes les forces vives de la nation. L’homme, lisons-nous, « a fait de l’État un lit de mollesse et pourtant celui-ci doit être tout l’opposé : il est une armature de l’activité la plus tendue : son but est de rendre l’homme infiniment puissant et non infiniment inerte… Plus il y a d’impôts, plus l’État a de besoins et plus il se perfectionne… Les impôts sont tout profit. »[2] Le jeune enthousiaste rêve déjà toute une économie politique nouvelle. Pour économiser le combustible, il faudrait des cuisines en commun, des logements en commun… Toute l’économie politique pourrait être remaniée en grand : la classe agricole disparaîtrait pour faire place à la classe industrielle ».[3] Ailleurs il semble prophétiser une sorte de socialisme d’État : « Chaque citoyen de l’État est fonctionnaire de l’État. Il n’a de revenus que comme tel… Le citoyen parfait doit vivre complè-

  1. N. S. II, 1, p. 542.
  2. N. S. II, 1, p. 542.
  3. N. S. II, 1, p. 543.