Aller au contenu

Page:Spenlé - Novalis.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
256
NOVALIS

tement dans l’État : il ne possède rien en dehors de l’État… »[1]

Mais s’il a été atteint par « l’esprit républicain », il s’en faut qu’il accepte les formes constitutionnelles issues de la Révolution française. Ici l’aristocrate et le mystique piétisle reprennent leurs droits. Sa conception politique reste complètement féodale et théocratique. Il ne conçoit aucun rapport social sans un attachement personnel et sentimental. Avec quel mépris il écarte toute cette « paperasserie » (der papierne Kitt), ces constitutions écrites, au moyen desquelles on essaie à présent de cimenter les égoïsmes ennemis ! Son esprit ne peut se faire à l’idée d’un « contrat social », d’une relation purement juridique, d’une constitution écrite, impersonnelle. « Je suis un homme profondément anti-juridique », avoue-t-il lui-même franchement, « je n’ai ni le sentiment ni le besoin du droit. » Qu’est-ce pour lui qu’une loi ? « L’expression de la volonté d’une personne aimée ». Le fondement de toute association durable, ce n’est ni l’égoïsme bien entendu ni la contrainte juridique, mais l’amour, et c’est pourquoi il intitule ses Fragments politiques Foi et Amour. « Qu’est-ce qui doit être traité mystiquement ? La religion… l’amour, l’État… On ne peut prêcher la religion autrement que l’amour et le patriotisme. Si on voulait rendre quelqu’un amoureux, comment pourrait-on bien s’y prendre ? »[2]

Les instincts sociaux et politiques ne sont donc pour le mystique romantique qu’une forme nouvelle, plus large, de l’amour, de l’amour conjugal et familial. « Les familles seules peuvent former des sociétés », dit-il, « l’homme isolé n’intéresse l’État que comme fragment et dans la mesure où il est apte à entrer dans une famille. »[3] Le véritable individu social, c’est l’homme et la femme réunis : seul le couple réalise la vie complète de l’être humain. À la tête

  1. N. S. II, 2, p. 514.
  2. N. S. II, 2, p. 572 et II, 1, p. 337.
  3. Raich, op. cit., p. 121.