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Page:Spenlé - Novalis.djvu/265

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LA RELIGION NATURISTE

de l’État devra donc se trouver un couple royal et symbolique. « Un couple royal est à l’homme complet ce qu’une constitution est à sa seule raison. »[1] La mission de ce couple sera d’entretenir et de stimuler par son exemple l’amour dans le cœur des sujets. Plus sera belle la reine, plus sera jeune et ardent le roi, plus aussi sera grande la félicité des peuples. L’image de la reine devra être suspendue dans tous les intérieurs, comme un talisman de bonheur, inspirateur des vertus conjugales. La sanctification du mariage et l’abolition de la prostitution, voilà les réformes les plus urgentes. Lorsque l’amour sera glorifié et sanctifié partout, l’ère de la paix éternelle sera près de s’ouvrir. Le miracle que le couple alchimique, Éros et Freya, a opéré dans l’univers physique, le couple royal de Prusse l’accomplira dans la société politique.

Mais ce miracle d’amour est impossible sans la « foi ». Celle-ci, on se le rappelle, aux yeux du philosophe intuitionniste, surpasse en dignité la raison, l’intelligence. Seule elle est créatrice, productrice d’idéal. Une cause de supériorité de la monarchie de droit divin, c’est donc précisément qu’elle repose sur la foi. Une constitution politique est une œuvre humaine, entachée par suite de toutes les imperfections humaines. Elle est œuvre de raison et non de foi. Mais la dignité royale ne peut être conférée par aucun acte constitutionnel humain. Elle est l’émanation directe d’une Idée supérieure, qui se manifeste et se perpétue par un véritable miracle. Le roi, pour le légitimiste croyant, est réellement d’une essence supérieure, — rendu tel par un choix primordial et métaphysique. Il est, parmi les hommes, ce que l’or est parmi les métaux, ce que le soleil est dans notre système planétaire. « Le roi n’est pas un citoyen ; il n’est par suite pas un fonctionnaire. Le signe distinctif de la monarchie c’est précisément qu’elle repose sur la croyance à un homme d’extraction supérieure, sur l’hypothèse librement acceptée d’un homme idéal. Parmi mes semblables je ne

  1. N. S. II, 2, p. 38.