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Page:Spenlé - Novalis.djvu/267

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LA RELIGION NATURISTE

rié… L’État tend vers mie représentation intégrale. La représentation, à son tour, suppose une activité qui rend présent à nos sens, ce qui en est absent… Mes fragments Foi et Amour reposent entièrement sur cette foi représentative. »[1]

Cette représentation intégrale de l’État est-elle possible ? N’est-ce pas un rêve de poète ? N’y a-t-il pas toujours un abîme entre la monarchie idéale et la monarchie réelle, qui en est l’expression défectueuse ? Et s’il faut se résigner quand même au médiocre, les garanties positives du régime républicain ne sont-elles pas préférables aux illusions dangereuses d’un idéal chimérique ? Il semble bien que, le premier enthousiasme passé, le jeune poète soit venu à résipiscence. Un certain nombre de ses derniers fragments le montrent singulièrement refroidi. « L’excellence de la représentation démocratique », dit-il, « n’en reste pas moins un fait indéniable.Un homme naturellement parfait et exemplaire est un rêve de poète… En ce moment la démocratie absolue et la monarchie semblent être engagées dans un antagonisme insoluble : les avantages de l’une sont compensés par les avantages contraires de l’autre. »[2] Après avoir prêché la religion exclusive de l’État il en arrive, par la pente naturelle de son esprit, à une sorte d’indifférentisme systématique. « Le meilleur État », conclut-il, « se compose d’indifférentistes… Ils prennent part à tout le bien qui se fait, se moquent en cachette des chimères de leurs contemporains, s’abstiennent de tout mal. Ils ne changent rien, parce qu’ils savent que tout changement, dans de pareilles circonstances. n’est qu’une erreur nouvelle et que ce qu’il y a de meilleur ne peut venir du dehors… »[3]

Pourquoi cette désillusion ? Sans doute le nouveau souverain ne répondait guère aux espérances qu’on avait fondées sur lui, dans certains milieux. Esprit essentiellement

  1. N. S. II, 1, p. 51 et II, 2, p. 573.
  2. N. S. II, 2, p. 658 et 660.
  3. N. S. II, 2, p. 656.