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Page:Spenlé - Novalis.djvu/268

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NOVALIS

prosaïque, doué d’un grand bon sens pratique, il réalisait le type du bureaucrate méticuleux. Il mit bien vite un terme à toutes les menées occultistes qui avaient envahi la cour berlinoise et il abrogea l’édit de censure, à la grande joie du parti rationaliste. Nicolaï reprend la direction de sa Revue et le médecin Marcus Hertz s’écriait avec enthousiasme : « la Raison pure est descendue des vieux et s’est assise sur le trône ! » C’était là aux yeux des romantiques, un médiocre éloge. — À ces causes extérieures de désillusion, il faut ajouter le travail intérieur qui s’était accompli dans l’esprit du poète. Sa « foi » politique eut le même sort que sa vocation militaire jadis, ou que son amour pour Sophie : ce fut une des innombrables fascinations que subit cette âme chrysalide, à la fois instable et passionnée. Ce qui l’intéressait dans cette « foi », c’était moins l’objet même, qui y répondait, que l’attitude intérieure qu’elle suscitait en lui, la sensation neuve de vie qu’elle faisait naître et les enchantements dont elle enivrait son imagination fiévreuse. « Ce qu’il y a de meilleur ne peut venir du dehors », écrivait-il, À la religion de l’État succéda bientôt une religion plus personnelle, — plus libre aussi et plus audacieuse, dans ses constructions idéales et dans ses mystiques raffinements.

LES HYMNES SPIRITUELLES


L’année 1799 pourrait s’intituler « l’année religieuse » dans les annales du premier romantisme allemand. À partir de l’été précédent, dans la coquette ville de Dresde, où se côtoyaient les enchantements de la nature et les merveilles de l’art, l’initiation s’était faite. Rien de moins prémédité : les deux ménages Schlegel se trouvaient en visite chez une sœur mariée ; Novalis arrivait quelquefois à cheval de Freiberg. En automne, Schelling, qui allait rejoindre sa chaire de professeur à Iéna, avait fait un petit séjour dans la résidence. Ce fut ensuite au tour de Tieck, de Gries,