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Page:Spenlé - Novalis.djvu/270

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NOVALIS

m’accompagnait et je peux même dire, en ce sens, que la Madone m’est apparue. »[1]

« Le christianisme est ici à l’ordre du jour », écrivait d’Iéna, en été 1799, Dorothée Veit à Schleiermacher. Depuis les premiers mois de cette année, Novalis était rentré de Freiberg à Weissenfels, comme assesseur aux salines. Il faisait de fréquentes visites dans les cercles romantiques d’Iéna. Deux évènements, au cours de cette année, donnèrent une actualité toute particulière aux questions religieuses : Ce fut d’abord l’accusation d’athéisme lancée contre le philosophe Fichte, professeur à l’université d’Iéna, suspendu de ses fonctions et banni du territoire saxon pour avoir, par ses écrits, travaillé à ruiner la notion de la personnalité divine, — et puis « les Discours sur la Religion » du théologien berlinois et romantique Schleiermacher. — « Vous avez dû apprendre par la gazette les polémiques de Fichte, au sujet du bon Dieu. Le brave Fichte combat à vrai dire pour nous tous et s’il succombe, c’est que les bûchers ne seront plus bien loin de nous. »[2] Non seulement Fichte succomba, mais par une étrange vicissitude, ce fut la cour de Weimar, c’est-à-dire le parti rationaliste et franc-maçon, qui prononça et exécuta la sentence de bannissement. Au contraire les néo-mystiques romantiques prirent fait et cause pour le philosophe accusé d’athéisme. Frédéric Schlegel se proposait même d’écrire une brochure pour montrer que « le grand mérite de Fichte c’est précisément d’avoir découvert la religion et que sa doctrine n’est autre chose que la vraie religion sous forme de philosophie. »[3]

C’est qu’aussi bien la nouvelle théologie romantique s’annoncait fort différente de l’ancienne et se posait, en face de l’orthodoxie luthérienne et officielle, comme essentiellement

  1. Steffens, Was ich erlebte, op. cit. T. 4, p. 241.
  2. Raich, op. cit., p. 98-99. (Lettre d’Aug. Wilh. Schlegel à Novalis).
  3. Voir : Walzel. — Friedrich Schlegel, Briefe an seinen Bruder Aug. Wilhelm, op. cit., p. 416.