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Page:Spenlé - Novalis.djvu/271

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LA RELIGION NATURISTE

révolutionnaire. « Schleiermacher » écrivait encore Frédéric Schlegel, qui partageait à ce moment le logis du jeune théologien à Berlin, « Schleiermacher, qui certainement, si quelqu’un lui procurait une Parole de Dieu, s’en ferait l’apôtre enthousiaste, travaille à un ouvrage sur la Religion. »[1] Cette Parole de Dieu, cette Bible nouvelle qu’il cherchait encore, sans la trouver, les romantiques Schlegel et Novalis se promettaient bien de la découvrir. De son côté, il leur apportait un système théologique nouveau qui d’avance, avec une admirable souplesse, se prêtait à toutes leurs improvisations géniales.

Un mot résumait cette théologie : la religiosité. Schleiermacher en faisait briller successivement les innombrables facettes. Est religieux ce qu’il y a de vraiment spontané et original dans l’homme. Est religieux surtout le sentiment, car il pénètre plus profondément dans l’homme et l’exprime plus sincèrement que la pensée philosophique, abstraite et impersonnelle, ou que l’activité pratique et sociale, préoccupée d’une fin étrangère, emprisonnée dans les coutumes, les lois, les institutions et les nécessités du mande extérieur. La religiosité au contraire a pour premier effet d’effacer toutes les distinctions, toutes les notions artificielles qu’établit la pensée raisonnante, de nous élever bien au-dessus de toutes les intentions, de toutes les obligations particulières que nous impose la vie active, d’éveiller en nous « la nostalgie de nous perdre et de nous dissoudre dans quelque chose de plus grand que nous, de nous sentir saisis et dirigés par ce quelque chose. » Sont donc religieux tous les états où la personnalité réfléchie se perd dans un sentiment plus exalté de vie, où se dissolvent les activités résistantes de la pensée, les caractères exclusifs de l’individualité, « ou l’âme entière se fond dans le sentiment immédiat de l’infini, de l’éternel, et de sa communion avec eux. » Est irréligieux par contre tout ce qui fait la matière d’un concept précis, d’une activité intentionnelle.

  1. Raich, op. cit., p. 87.