Aller au contenu

Page:Spenlé - Novalis.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
265
LA RELIGION NATURISTE

impartial, pouvaient rentrer sous les prémisses, que lui-même avait posées.

Surtout, par l’alliance nouvelle, qu’elle faisait prévoir entre la religion et l’art, la théologie de Schleiermacher arrivait bien à son heure. Les définitions qu’il proposait de la « religiosité » ne pouvaient-elles en effet, presque sans modifications, s’appliquer au génie romantique ? Ce « goût de l’infini », ce panthéisme mystique et subjectif, cet effacement des formes sociales de l’activité et de la pensée, cet abandon de la conscience volontaire au sein de forces spontanées, d’activités instinctives, n’étaient-ce pas autant de caractères communs ? « Est prêtre », disait Schleiermacher, « tout homme qui sous une forme originale, complète, a développé en lui jusqu’à la virtuosité la faculté de sentir, dans un mode quelconque de représentations ». La morale se trouvait ainsi entièrement subordonnée à l’inspiration individuelle ; la conscience morale se transformait en un poème intérieur. Tel était bien aussi, avons-nous vu, le point de vue romantique.

D’où vient cependant que les mystiques tels que Novalis faisaient encore des réserves au sujet de ces éloquents « Discours » ? C’est qu’ils n’y trouvaient pas encore assez d’éléments positifs, concrets, poétiques. « Schleiermacher », écrivait Novalis, « a annoncé une sorte d’amour de la religion, une religion esthétique, presque une religion à l’usage de l’artiste qui a le culte de la beauté et de l’idéal. » Mais il avait le tort, de trop rester dans le vague, dans l’abstrait. Resté théologien malgré tout, par la tournure dialectique de son esprit et son attachement professionnel à une tradition historique particulière, il n’avait pas exploré les deux sources nouvelles de la religiosité romantique : la nature et la poésie. Sur ces deux points Novalis se crut appelé à compléter l’œuvre du théologien berlinois.

« Il a aussi composé des cantiques chrétiens », écrivait Frédéric Schlegel à Schleiermacher. « ils sont divins, au-dessus de tout ce qu’il a fait jusqu’ici. La poésie qui s’y