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Page:Spenlé - Novalis.djvu/289

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LA RELIGION NATURISTE

« religions », qui reposaient sur des dogmes, par des « communautés philadelphiques », où règnerait dans toute sa simplicité le pur esprit évangélique, sans alliage doctrinal, sans aucune contrainte ecclésiastique. Dans son langage volontiers imagé il appelait ces groupements philadelphiques des « hôtelleries », pour ceux qui sont sans domicile, des « refuges » ou des « lazarets » pour les âmes en peine, venues de partout. Ainsi se constituerait une vaste Confrérie, véritable Ordre de Jésus, fondé sur un attachement purement sentimental et chevaleresque à la personne du Sauveur.

Mais la propagande piétiste et réactionnaire, avons-nous vu, rencontra, dans la seconde moitié du 18me siècle, un allié tout-à-fait imprévu dans certaines branches mystiques de la Franc-Maçonnerie « nouveau style ». Ce fut, peut-on dire, une des idées-fixes de l’Allemagne à cette époque que l’idée d’une régénération morale de l’humanité par le moyen d’une association occulte de penseurs et de philanthropes. Honni ou glorifié, l’Ordre des Jésuites hantait toutes les imaginations et ses pires adversaires s’efforçaient souvent de le démarquer le plus servilement. La dispersion de cet Ordre, ordonnée dans les différents États prussiens, souleva dans le camp piétiste d’unanimes regrets. « Les Jésuites » écrivait Jung Stilling, « opposaient au moins une digue à la philosophie des lumières ; mais voici leur Ordre dispersé et cette philosophie bat son plein ; sans doute elle emportera dans ses tourbillons la religion et l’organisation politique. »[1] Novalis de son côté ne se cache nullement des sympathies que lui inspirent les Jésuites. « Jamais on n’a employé plus d’intelligence à réaliser une idée plus élevée… Cette société restera encore plus remarquable comme la société-mère de toutes les associations dites secrètes, où il faut reconnaître un germe historique assurément important, quoique encore peu développé. »[2] Prophétiquement il annonce le retour prochain de l’Ordre, — retour que s’ef-

  1. Jung Stilling, Werke, op. cit. Heimweh, p. 837.
  2. N. S. II, 2, p. 407.