Aller au contenu

Page:Spenlé - Novalis.djvu/292

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
284
NOVALIS

velle. Dans le camp piétiste on reprenait les calculs sur les nombres et les lettres de l’Apocalypse. Le théologien Bengel, qui s’était fait une spécialité de ee genre d’exercices, avait prédit la venue de l’Antéchrist pour les dix dernières années du siècle. Lorsqu’éclata la Révolution française on pensa que les temps étaient venus et l’écrivain piétiste Jung Stilling. en une série de pamphlets violents dirigés contre la Révolution, en qui il découvrait de frappantes analogies avec la Bête de l’Apocalypse — prophétisait la venue très prochaine du Royaume de Mille ans. « Cette Église de Dieu », disait-il dans ses Monatsblætter, « se recrutera dans les sectes illuministes et dans les conventicules piétistes, parmi tous les fidèles éprouvés ; particulièrement la communauté morave est appelée à servir à tous ces éléments de noyau et de support. » Il s’agissait donc de préparer les voies au Seigneur, en formant des associations mystiques, où viendrait se-grouper provisoirement le peuple des Elus. Lui-même dans un roman très populaire, « Heimweh », conduisait son héros à travers une série d’épreuves romanesques et d’initiations fantastiques, et il esquissait le plan d’une association secrète, plus ou moins calquée sur les Ordres mystiques de la Franc-Maçonnerie.[1]

Cette prophétie, avec des variations innombrables, se retrouve ehez la plupart des auteurs contemporains, qui l’accommodaient à leurs goûts et à leurs préférences personnelles. Pour Hœlderlin, épris de panthéisme poétique et de beauté antique, la nouvelle religion revêtait essentiellement la forme d’une renaissance hellénique. « Alors, quand elle viendra dans sa juvénile beauté », éerivait-il dans son roman Hypérion, — « la Fille chérie, l’Enfant dernier-né de notre siècle, la nouvelle Église, — quand elle sortira des formes surannées et flétries, lorsque se ranimera le sens du divin chez l’homme et que la jeunesse et la beauté feront de nouveau battre son cœur, lorsque… mais je ne puis l’an-

  1. Voir dans la « Berliner Monatsschrift », année 1796, Tome 27, p. 316, l’article sur le Heimweh de Jung Stilling : « Noch ein Jerusalemsorden ».