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Page:Spenlé - Novalis.djvu/293

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LA RELIGION NATURISTE

noncer, car à peine j’en porte en moi le pressentiment. Et pourtant elle viendra, elle viendra à coup sûr. »[1] D’autres, comme Gœrres, dans son pamphlet sur « la Décadence et la Renaissance de la Religion », donnaient rendez-vous dans un « Temple mystique nouveau » à toutes les croyances religieuses du passé, depuis les vieux mystères égyptiens jusqu’aux plus récentes doctrines théosophiques. Une pensée analogue inspirait à Zacharias Werner un drame obscur et indéchiffrable, « les Fils de la Vallée », où il mettait en scène les légendes ésotériques de la Franc-Maçonnerie mystique du temps, — ses prétendues relations avec l’Ordre des Templiers, — et, dans un imbroglio fantastique, amalgamait pêle-mêle les doctrines occultistes et théosophiques les plus abstruses, qui avaient cours dans ces milieux.

Des théologiens de profession se laissaient gagner par les mêmes rêveries. « Nous autres, pauvres protestants, nous n’arriverons sans doute jamais à former une Église, et nous n’avons peut-être jamais formé d’Église », écrivait mélancoliquement le jeune Rothe, étudiant en théologie à Heidelberg, un des plus passionnés admirateurs de Novalis. Appliquant à l’histoire religieuse les grandes divisions de la Logique de Hegel, il distinguait trois « moments » successifs dans révolution du christianisme. « Le catholicisme », écrivait-il, « est le premier moment ; il est le christianisme dans sa manifestation la plus immédiate. Puis celui-ci progresse vers la phase dialectique : l’antagonisme inhérent à la nature humaine se réveille en lui et ainsi se constitue le protestantisme. — non pas un protestantisme, mais plusieurs protestantismes, — car c’est l’essence même du progrès dialectique d’être intérieurement divisé… Mais à présent le moment, spéculatif, si je puis dire, amènera une ère éternelle, par l’institution d’un catholicisme spéculatif, positif — rationnel… L’édifice du catholicisme n’est tombé en ruines, que parce que l’Esprit s’en est retiré : mais il sera de nouveau complètement vivifié, réchauffé et illuminé

  1. Hœlderlin, Hyperion, éd Reclam, p. 35.