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Page:Spenlé - Novalis.djvu/294

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NOVALIS

par l’Esprit divin ; il deviendra de nouveau un temple digne de l’Esprit, qui le restaurera progressivement dans le cours des siècles : c’est là une croyance à laquelle peut se rallier tout protestant impartial, par cela même qu’il se dit lui-même déjà en possession de l’Esprit. Une synthèse de ces deux éléments essentiels à l’Église ne peut manquer de se produire un jour, aussi vrai que le christianisme vient de Dieu et non des hommes. Bien des signes annoncent, dès aujourd’hui, que ces temps sont proches… »[1]

Les mêmes aspirations se lisent dans l’« Europa » de Novalis. C’est à tort que les critiques protestants en Allemagne, emboîtant le pas à Tieck, n’ont voulu voir dans cette couvre qu’une improvisation poétique, sans portée aucune : elle se rattache au contraire intimement à la pensée générale du poète et reflète quelques-uns des symptômes les plus caractéristiques de l’époque.

Cependant c’est, moins à une doctrine religieuse historique qu’à une conception générale et mystique de la nature que Novalis emprunte les éléments de son catholicisme idéal. La religion qu’il annonce sera essentiellement « naturiste » : là est sa marque propre. À Zinzendorf. à Lavater, comme à Schleiermacher il reprochait d’avoir trop négligé cette source féconde de révélation religieuse : la physique. « Même la contemplation de Jésus », disait-il, « finit par devenir fatigante : la prédication doit être panthéistique ». Par une physique nouvelle, magique et symboliste, s’accomplira donc surtout la restauration catholique. C’était là une idée qui inspirait beaucoup de sectes mystiques et théosophiques du temps, — les disciples de Saint-Martin en France, les disciples de Weigel, de Bœhme et d’Arnold en Allemagne. Les ordres maçonniques de la Rose-Croix avaient adopté ces conceptions théosophiques, qui furent aussi, en partie, celles de la plupart des physiciens romantiques. La nature, suivant toutes ces doctrines, est une révélation de Dieu, une

  1. Voir : Richard Rothie, Ein christliches Lebensbild von Friedr. Nippold. — Wittenberg, 1877, I, p. 59 à 60, p. 169. etc.