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Page:Spenlé - Novalis.djvu/295

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LA RELIGION NATURISTE

théophanie. Il faut donc non pas interpréter Dieu et la nature isolément, mais, par un symbolisme incessant, les découvrir l’un dans l’autre, percevoir sous les phénomènes physiques un agent spirituel et divin, et inversement représenter tous les phénomènes moraux par des éléments naturels. La physique devient ainsi une religion élémentaire et inversement la religion apparaît comme une « physique supérieure ». — « La Terre se change en un sacrement de la Chair, la Mer en un Sacrement du Sang », lisons-nous dans les Fils de la Vallée de Zacharias Werner, « ainsi vous trouvez partout, dans la nature même, les symboles qui vous unissent à la divinité et il n’y a pas un seul lieu où celle-ci ne se manifeste. Même la poussière peut devenir un médiateur divin. »

Lue pensée analogue inspire bon nombre des Fragments philosophiques ou religieux de Novalis. « Si Dieu a pu devenir homme », dit-il, « il peut aussi devenir pierre, plante, animal ou élément, et peut-être y a-t-il ainsi une rédemption continue à travers la nature. »[1] Le Christ historique cède peu-à-peu la place à un nouveau Messie. — le Messie panthéistique de la Nature, l’universel Médiateur ; à l’Évangile historique se substitue un Évangile naturiste, sorte de Bible magique, dont l’intelligence est encore réservée à quelques rares initiés. De cette intuition fondamentale le poète songe à tirer toute une mythologie nouvelle, beaucoup plus indépendante et plus poétique que l’ancienne mythologie biblique. « Ne pourrait-on imaginer la composition de plusieurs évangiles ? faut-il absolument un élément historique ? L’histoire 11’est-elle fias un simple véhicule ? Un évangile de l’avenir ne serait-il pas possible ? Je pourrais à ce sujet me mettre en rapport avec Tieck, Schlegel, Schleiermacher… Il n’y a pas encore de religion. Il faut commencer par fonder une loge, où s’enseignera la vraie religion. »[2]

  1. N. S. II, 1, p. 371.
  2. N. S. II, 1, p. 326.