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Page:Spenlé - Novalis.djvu/297

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LA RELIGION NATURISTE

tre encore trop dogmatique et trop traditionnaliste. Luther n’avait affranchi la conscience individuelle de l’autorité ecclésiastique, que pour la plier plus servilement sous le joug de la Parole écrite. Cette autorité, le poète romantique voudrait à son tour la briser, et c’est pour cela qu’il rêve une mythologie nouvelle, entièrement libre, le produit spontané de l’imagination poétique. On pourrait lui appliquer la définition de Guyau : « Un mystique est quelqu’un qui, sentant vaguement l’insuffisance et le vide d’une religion positive et bornée, cherche à compenser par la surabondance du sentiment l’étroitesse et la pauvreté du dogme. Les mystiques substituant plus ou moins le sentiment personnel et les élans spontanés du cœur à la foi dans l’autorité, ont toujours été dans l’histoire des hérétiques qui s’ignoraient. »

Sans dogmes, la religion naturiste sera aussi sans morale, parce que, précisément, à sa base se trouve la divinisation de la nature et par suite de tous les penchants du cœur humain. Si dissemblables qu’apparaissent au premier aspect des œuvres telles que la « Lucinde » de Frédéric Schlegel et les « Hymnes spirituelles » de Novalis, — à cause de la diversité des tempéraments individuels qui s’y expriment, — le fond philosophique et moral reste cependant le même. C’est toujours le panthéisme subjectif, qui aboutit, chez l’un comme chez l’autre, à la glorification de l’instinct et de la volupté. Mais Frédéric Schlegel, nature plus charnelle, présente l’évangile naturiste comme une doctrine de l’émancipation de la chair, tandis que chez Novalis, type du sensitif raffiné, du jouisseur intellectuel, cette religion romantique prend plutôt l’aspect d’une transsubstantion mystique de la matière, de la chair, de la volupté. Il l’avoue du reste sans détour : le sens religieux se confond pour lui avec le sens de la volupté. La religion apprend à l’homme à jouir de son propre cœur, mieux qu’il ne jouirait d’aucun autre objet étranger. « Lorsque le cœur ». dit-il. « détaché de tout objet, se sent lui-même, alors naît la reli-