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Page:Spenlé - Novalis.djvu/299

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LA RELIGION NATURISTE

aussi pourquoi songer tout de suite au sang et à la chair sous leur forme grossière et corruptible ? »[1]

Plus encore que le symbole de la Cène devait parler à une imagination aussi voluptueuse l’image de l’union des sexes. « L’embrassement n’est-il pas quelque chose d’analogue à la Cène ? », demande-t-il dans un de ses Fragments.[2]) Une des idées favorites des philosophes cabalistes, reprise par les physiciens théosophes du romantisme, c’était précisément que les forces élémentaires de la nature et de la vie n’étaient que les manifestations d’une sorte d’appétit sexuel universel, en sorte que l’âge d’or ne pouvait être ramené que par la réunion définitive du Couple cosmique, des deux sexes de l’univers, en un Corps unique et androgyne. On sait que sur cette conception érotique de la nature Novalis avait déjà construit sa conception générale du « Mærchen ».

Des pensées analogues avaient inspiré à Ritter toute une série de fragments mystico-religieux. « Plusieurs de ces fragments », dit-il, dans la préface du petit recueil, auquel se trouve si intimement mêlé le souvenir de Novalis, — « je n’ai pu les publier, parce que, sous leur forme primitive, ils paraîtraient trop osés et trop scabreux, — particulièrement l’un d’eux, composé peu de semaines avant le mariage de l’auteur et qui est de telle nature qu’il semblerait impossible qu’avec de pareilles idées un homme prit jamais songer à se marier. » Il s’agissait, paraît-il, « d’une histoire des rapports sexuels à travers les âges », avec, pour finir, une description de l’état idéal de ces rapports, — description faite en termes tels, observe l’auteur, « que ce fragment n’aurait pas trouvé grâce, même auprès des juges les plus libéraux, malgré la rigueur de la démonstration. »[3] Que des idées religieuses aient été amalgamées à cette singulière

  1. N. S. II, 1, p. 133.
  2. N. S. II, 1, p. 137.
  3. Ritter, Nachlass aus den Papieren eines jungen Physikers, op. cit. p. LXXVIII.