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Page:Spenlé - Novalis.djvu/303

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LA RELIGION NATURISTE

lées. L’Aurore a chaussé ses bottes de sept lieues. Longtemps les éclairs ont sillonné l’horizon lointain… Mais bientôt on ne parlera plus d’un orage seulement : l’incendie embrasera la voûte céleste tout entière et alors vos petits paratonnerres ne seront plus d’aucun secours. Alors le 19me siècle prendra son essor, et alors aussi se déchiffrera cette petite énigme, qui rend encore inintelligible l’Athenæum. Quel cataclysme ! »[1]

La littérature, particulièrement la poésie romantique, devait se donner pour mission de populariser cet Évangile nouveau. On a vu Frédéric Schlegel et Novalis, moitié sérieux, moitié plaisantants, se partager à l’avance les rôles de ce nouveau culte et les attributs pontificaux. « Peut-être as-tu plus d’aptitude pour le rôle du Christ », écrivait le premier, « et je me ferai en ce cas ton vaillant St Paul. » — « Il ne faut pas que le prêtre nous induise en erreur ». Irions-nous dans les fragments du second. « Les poètes et les prêtres ne faisaient originellement qu’un seul et même personnage, et ils ne se sont scindés que dans la suite. Mais le poète véritable est resté prêtre, de même que le véritable prêtre a toujours été un poète. L’avenir ne rétablira-t-il pas l’état primitif ? »[2] Il n’y aura plus alors un Évangile unique, mais autant d’Évangiles que d’âmes inspirées, capables d’entrer avec la vie infinie en un rapport original, sacré. C’est une Bible de ce genre nouveau que Novalis se proposait d’écrire, dans son roman Henri d’Ofterdingen. « Autant que j’en puis juger », annonçait-il à Frédéric Schlegel, dans les premiers mois de l’année 1799.

  1. Friedr. Schlegels prosaische Jugendschriften, Edit Minor op. cit., II, p 393-394. On pourrait encore rapprocher de ces lignes quelques passages des « Vorlesungen über schœne Litteratur und Kunst », faites à Berlin, quelques années plus tard, par Aug. Wilh. Schlegel, où il s’agit également d’une « alliance », sans cesse grandissante, entre les esprits orientés vers le même but et où l’auteur annonce une renaissance prochaine des sciences occultes, de l’astrologie, de la magie, de la théocratie (Voir : « Deutsche Litteraturdenkmale des 18ten und 19ten Jahrhunderts, édit. Bernh. Seuffert, tome 18, p. 86, 88 et 62)
  2. N. S. II, 1, p. 21.