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Page:Spenlé - Novalis.djvu/308

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NOVALIS

des d’esprit et aussi quelques superstitions. Contre la Révolution française il a risqué des pamphlets dont, la médiocrité déconcerte. Le pli du respect était profondément imprimé dans son caractère. Franc-Maçon et libre-penseur, il n’en prit pas moins parti pour l’autorité contre Fichte accusé d’athéisme. « Je n’hésite pas à reconnaître ». écrivait-il à propos de cette affaire, « que je prendrais parti contre mon propre fils, s’il se permettait un pareil langage contre un gouvernement. » Arndt se rappelle avoir rencontré un jour, sur les bords du Rhin, le « Geheimrath » de Weimar, le poète chargé de gloire, s’effaçant humblement devant le ministre prussien Stein et, en présence des jeunes officiers qui entouraient celui-ci, presque obséquieux.

Là n’était pas sa grandeur. Ce qui l’élevait au-dessus de son milieu, c’était moins sa valeur comme caractère que cette haute et souple intellectualité artistique, qui de sa pensée faisait un miroir vivant, un « œil devenu lumière ». Très attentive à sa pensée et à son art, la jeunesse romantique voyait cependant en sa personne un homme du passé et, toute révérence parler, une « antiquité ». C’était un classique-né, qui appelait le commentaire et imposait l’admiration, mais on ne se sentait pas, pour le contenu même de la vie, emporté, comme chez Fichte par exemple, par une réelle force de progrès. « Gœthe sera et doit être dépassé écrivait Novalis, — mais de la façon seulement que les Anciens peuvent être surpassés, par le contenu et la force, par la diversité et la profondeur ; comme artiste il ne peut l’être. »

Précisément à l’aurore du romantisme les « Années d’apprentissage de Wilhelm Meister » venaient de paraître. Une forme d’art était trouvée : le roman recevait sa forme classique dans la littérature allemande. Quelles que fussent les lacunes et les imperfections de l’œuvre, il était impossible d’en méconnaître la puissante originalité et la haute portée morale. Il ne s’agissait plus, comme dans Werther, d’une confession individuelle ou encore d’une « crise » passionnelle