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Page:Spenlé - Novalis.djvu/312

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NOVALIS

Ainsi se manifeste la douloureuse contradiction dont soutirait l’époque : d’une part un art très conscient, le fruit d’une haute culture individuelle, mais sans grande vitalité nationale on sociale et d’autre part des aspirations confuses et inquiètes, qui ne trouvaient pas leur emploi dans le monde réel, un idéalisme maladif et même, par certains côtés, dévoyé qui, incapable d’étreindre vigoureusement la vie, devait se replier toujours plus profondément sur lui-même et se réfugier dans un monde tout intérieur et artificiel. De cette contradiction sont sortis d’une part le Wilhelm Meister de Gœthe et d’autre part le Henri d’Ofterdingen de Novalis.

Deux évènements avaient, en l’année 1799, profondément retenti dans la vie intérieure du poète romantique : ses nouvelles fiançailles et sa rencontre avec Tieck. À Freiberg, dans l’intérieur du conseiller des mines Charpentier, Novalis avait fait la connaissance de sa seconde fiancée, Julie, la plus jeune des filles de la maison. Quel fut le caractère de cette nouvelle liaison ? À en croire le jeune fiancé, on se trouverait en présence d’un amour immatériel, provoqué par une sorte d’admiration morale récœroque. Novalis avait connu la jeune fille plus d’un an, sans intention matrimoniale bien avouée. Il avait été, raconte-t-il, profondément touché en voyant de quels soins dévoués elle entourait son père, pendant une douloureuse maladie. Elle-même avait été ensuite atteinte d’une paralysie faciale et sa pieuse résignation dans la souffrance, jointe à cet exemple de dévouement filial, aurait fortifié la sympathie naissante. Au plus fort de la crise, la paralysie disparut tout à coup.[1] ("’était le soir de Noël. Une poésie de Novalis, dédiée à Julie et où il place son nouvel amour sous l’invocation du Sei-

    la littérature, faites à Vienne, il appelait Gœthe « un Shakespeare allemand » pour la forme, mais « un Voltaire allemand » pour le fond, et dans sa critique des œuvres de Gœthe, — parue dans les « Heidelberger Jahrbücher » en 1808, il définit Wilhelm Meister « ein Roman gegen das Romantische

  1. Voir Raich. op. cit., p. 105.