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Page:Spenlé - Novalis.djvu/313

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HENRI D’OFTERDINGEN

gneur, a été certainement composée sous cette impression. C’est un épithalame dans le goût piétiste. Les deux futurs époux s’entretiennent de leur mort et des noces célestes qu’ils célébreront là-haut, — mariage dont l’hymen terrestre n’est que le prélude ou plutôt l’ébauche grossière.

Pareillement c’est comme un devoir, comme une dette sacrée que Novalis s’efforce de présenter à ses correspondants romantiques ses nouveaux engagements. « Au lieu de voir ma présence devenir de moins en moins indispensable », écrit-il, « je me sens de nouveau rattaché par un sentiment de devoir à des connaissances anciennes et nouvelles, » ou encore : « La terre semble vouloir me reprendre encore pour longtemps. La liaison dont je te parlais est devenue plus profonde, plus prenante. Je me vois aimé comme jamais je n’ai été aimé. Le sort d’une charmante jeune fille dépend de ma décision, et mes amis, mes parents, mes frères et sœurs ont besoin de moi plus que jamais. »[1]

Se faisait-il vraiment à tel point illusion sur lui-même, ou éprouvait-il de nouveau le besoin de justilier, selon son habitude, philosophiquement, par des raisons morales et mystiques, son changement d’attitude, ce qu’il était tenté d’appeler son » infidélité » à l’endroit des résolutions si solennellement proclamées quelques années auparavant ? D’autres éléments que des éléments purement moraux, ont certainement pesé sur sa détermination. Les charmes physiques de sa fiancée durent le laisser moins indifférent, qu’il n’affectait de le paraître, et faciliter singulièrement sa conversion. Il ne semble pas du reste que cette jeune beauté, très florissante et très épanouie, ait entièrement répondu au portrait idéal qu’il s’efforcait d’en donner. Elle ne rêvait de rien moins que d’amour immatériel et de céleste hyménée. Pendant la dernière maladie de Novalis et du vivant même de celui-ci, elle engagea un flirt très actif avec un plus jeune frère du poète, Charles de Hardenberg, à ce

  1. Raich, p. 92 et p. 104.