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Page:Spenlé - Novalis.djvu/314

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NOVALIS

moment brillant officier de cavalerie. Bien vite consolée à la mort de son fiancé, elle fit ce qu’elle put pour attirer à elle son nouvel admirateur. Sans succès du reste : la famille Hardenberg était édifiée à son sujet.[1]

L’annonce des fiançailles de Novalis fut accueillie avec une joyeuse sympathie dans les cercles romantiques. On éprouvait un véritable soulagement à voir enfin le jeune mystique sortir de la situation équivoque et, à la longue, intenable, où il s’était si longtemps obstiné. Sur un ton d’affectueuse plaisanterie Caroline Schlegel le félicitait de cette « solution », qu’elle avait d’ailleurs, disait-elle, depuis longtemps prévue et appelée de ses vœux. « Jamais je ne vous ai demandé : comment tout cela va-t-il se dénouer ? Cela peut-il durer toujours ainsi ? À peine je me le demandais à moi-même. J’étais rassurée par la certitude intime, (car, au fond, j’ai plus de foi que vous tous) — non pas que les choses prendraient précisément le cours qu’elles ont suivi, mais que nécessairement vous vous détendriez un jour, appuyé sur une poitrine humaine, et que le ciel et la terre se marieraient de nouveau en vous… Ainsi seulement, dans la solitude presque complète, par les liens d’une douce familiarité, vous pouviez être peu à peu reconquis par la terre. Comme vous nous avez sagement et gravement exposé, certain jour, que dans tout ceci il n’y avait pour vous nul danger. De danger, non certes : mais pourtant il devait en sortir quelque chose. »[2]

Une des suites les plus heureuses ce fut de stimuler de nouveau l’activité du poète. Sa tête fourmille de projets, romans, nouvelles, discours ou sermons. Il a l’idée de fonder un Ordre littéraire, sorte de loge cosmopolite qui aurait partout sa presse et ses librairies. Il effarouche ses collaborateurs par ses projets mercantiles. « À présent je vis tout entier dans les travaux techniques, dit-il, car mes années d’apprentissage sont terminées et la vie bourgeoise me reprend

  1. Voir Heilborn, op. cit., p. 111-112.
  2. Raich, op. cit., 115 et 116.