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Page:Spenlé - Novalis.djvu/315

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HENRI D’OFTERDINGEN

de plus en plus avec ses exigences… Écrire quelque chose et me marier c’est presque le seul et même but que je me propose. » Ce fut le livre qui passa le premier. Un autre évènement contribua beaucoup à en hâter la venue, — la rencontre du poète Tieck, de l’auteur de Franz Sternbald.

C’était une personnalité séduisante que l’auteur de William Lovell et de Franz Sternbald, — grand, svelte, le regard vif et ardent, la parole chaude et sonore, le geste élégant. « S’il était moulé sur les planches », dit de lui Steffens, « il aurait été le plus grand comédien de son temps. » En littérature de même il semble avoir déployé surtout les qualités d’un grand acteur et d’un brillant improvisateur. Tout au moins s’essaya-t-il aux rôles les plus divers. Il avait d’abord mis sa plume au service d’un romancier de bas étage, pour le compte duquel il brochait en sous-ordre des histoires horribles et monstrueuses. Ensuite il avait passé par les officines du vieux rationalisme berlinois, sous la raison sociale Nicolaï et compagnie. Sceptique précoce et, au moins intellectuellement, dévoyé, il avait créé dans la littérature le rôle de William Lovell, type de faux blasé, qui, à force de jouer toutes les attitudes dans la vie et de pervertir par l’imagination ses sentiments les plus sincères, finit par le plus théâtral des suicides en jouant en public sur le théâtre sa propre mort. À présent le jeune auteur cherchait à se refaire une virginité poétique par ses « contes populaires », qui le signalèrent à l’attention des Schlegel, et surtout par un drame mystique, « La vie et la mort de Ste Geneviève, » dans le goût romantique. La lecture des cantiques de Novalis lui avait suggéré l’idée de s’essayer dans le même genre ; mais en dépit de ses attitudes dévotieuses et, selon le mot de Dorothée Veit, « de ses pirouettes intérieures », il n’arrivait pas cette fois-ci à trouver la note juste.

Dans la maison du compositeur Reichardt, beau-frère de Tieck, à Giebichenstein, s’étaient rencontrés, pendant l’été de l’année 1799, les deux jeunes poètes romantiques. Ils