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Page:Spenlé - Novalis.djvu/316

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NOVALIS

se virent ensuite à Iéna et Tieck fut reçu penflml le printemps 1800 à Weissenfels, dans la famille Hardenberg. On fit des promenades sentimentales au clair de lune ; on communia devant l’infini. Chez Novalis ce fut un nouveau coup de foudre. Selon sa manière habituelle, il tomba amoureux fou de Tieck, de la femme de Tieck, des livres de Tieck, de tout ce que Tieck disait, écrivait, pensait. « Ta connaissance », lui écrivait-il, « inaugure un nouveau chapitre dans mon existence » et comme jadis pour Schiller, pour Guillaume Schlegel, pour Fichte, pour Sophie, pour le bailli inconnu d’Eisleben, — il lui fait hommage de toute sa vocation poétique. De son côté Tieck, doué d’un pouvoir remarquable d’assimilation, mais en matière de pensée et d’émotion, semble-t-il, d’une médiocre originalité, avait besoin d’un initiateur pour éveiller sa verve poétique. Il avait rencontré une première fois ce précieux confident en Wackenroder, âme tout éthérée et féminine, jeune phtisique à la Jean-Paul. La mort de cet ami, dont il recueillit l’héritage poétique, l’avait plongé dans un véritable veuvage littéraire. En Novalis il reconnut avec joie un second Wackenroder. Lui-même apportait aux romantiques le théosophe Jakob Bœhme, des » Mærchen » populaires et surtout les ressources d’une virtuosité technique inépuisable. Il rêvait de doter la littérature d’une poésie toute musicale, sans pensée précise, peut-être même sans pensée du tout.

Toutes ces qualités et tous ces défauts se retrouvaient dans son dernier roman « les Pérégrinations de Franz Sternbald », que Novalis n’hésitait pas à mettre à côté ou même au-dessus des « Années d’apprentissage de Wilhelm Meister ». On ne pouvait certes accuser la morale de ce livre d’être bourgeoise et prosaïque. Il en ressortait au contraire nettement que la seule vie digne d’être vécue était celle de l’artiste, du bohème et du rêveur. Le tout se ramenait en effet à une apologie enthousiaste du vagabondage sous toutes ses formes.