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Page:Spenlé - Novalis.djvu/318

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NOVALIS

Gœthe et d’en être appelé la contre-partie romantique. Car ce fut l’idée-fixe de Novalis, de donner à Wilhelm Meister une réfutation poétique. Il s’élait d’abord proposé d’écrire cette réfutation sous forme d’article. Et puis, l’artiste s’étant éveillé de plus en plus en lui, la critique projetée prit peu à peu dans son esprit la forme du roman. Mais de cette initiation première l’œuvre garda comme un vice secret : il en sortit un roman de réflexion. Un poète lyrique, et un métaphysicien à système y ont collaboré tour à tour : mais la forme musicale et le contenu philosophique se sont juxtaposés plutôt que réellement pénétrés. Le produit hybride de cette collaboration n’est pas né viable. Comme à la suite d’un péché dans la conception première, Henri d’Ofterdingen portait en naissant les signes précoces de la mort. C’était une ruine-née.

Peut-être Tieck avait-il suggéré à son nouvel ami la donnée historique du roman. Il avait évoqué le premier la figure légendaire du poète Henri d’Ofterdingen dans un de ses contes populaires : « Le fidèle Eckart et le Tannhæuser » paru en 1799.[1] Une autre source pour Novalis fut la bibliothèque du commandant von Funck, auteur d’une histoire de l’empereur Frédéric II. Le tableau idéalisé de la vie chevaleresque à la cour de l’empereur Frédéric II devait occuper en effet une grande place dans la seconde partie projetée du roman. Mais dans l’œuvre telle qu’elle existe aujourd’hui, réduite presque » exclusivement à l’éducation du jeune poète, il est impossible de trouver la trace d’aucune lecture historique : — Henri d’Ofterdingen est la biographie idéalisée de Novalis lui-même. Le cadre historique, de pure fantaisie, ne sert qu’à donner un caractère plus poétique, c’est-à-dire plus légendaire et plus romantique, par un effet de perspective et de recul, aux expériences psychologiques individuelles, qui font la véritable matière du roman.

  1. « Der getreue Eckart und der Tannenhæuser », dans les Romantische Dichtungen (1799), t. I, p. 423 et suiv.