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Page:Spenlé - Novalis.djvu/323

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HENRI D’OFTERDINGEN

L’amour mystique des fleurs — la « Blumensehnsucht » — est un des motifs littéraires les plus fréquemment traités par les auteurs romantiques. La fleur symbolisait à leurs yeux la vie harmonieuse, innocente, sans réflexion et sans effort, vie de pur rêve, d’implication parfaite au sein des puissances instinctives. « Plus un homme ou un ouvrage sont divins » — écrivait Frédéric Schlegel dans sa « Lucinde » — « plus ils ressemblent à la plante. De toutes les manifestations de la nature celle-ci est la plus morale et la plus belle. » — Les fleurs jouaient aussi un certain rôle dans certaines associations mystiques du temps. S’il faut en croire le théosoplie romantique Schubert, les rapports de l’âme avec Dieu ou avec l’univers sont souvent représentés chez les mystiques par des symboles emblématiques, — des images d’animaux, de plantes, ou des apparitions lumineuses. Ces signes hiéroglyphiques constituent, d’après cet auteur, les éléments d’un langage prophétique supérieur, qui se révèle à l’homme dans le rêve profond ou dans l’extase religieuse.[1] C’est pour cela peut-être que dans le drame de Tieck, intitulé « La vie et la mort de Ste Geneviève », Jésus apparaît à la Sainte sous les espèces d’un calice de pourpre. Des mythes floraux analogues se trouvent dans les premiers drames théosophiques de Zach. Werner, particulièrement dans « Les Fils de la Vallée », dont il a déjà été question plusieurs fois. On pourrait aussi rapprocher du début de Henri d’Ofterdingen un passage de la « Loge invisible » de Jean-Paul Richter, ouvrage qui avait si vivement frappé l’imagination du poète romantique. La situation est identique. Le héros de Jean Paul sort de l’adolescence ; l’heure d’une nouvelle « naissance » a sonné pour lui. Il est étendu sur son lit, agité et fiévreux. « Son front brûlait comme un brasier. Il avait la sensation de se fondre en une rosée, que venait aspirer le calice d’une fleur bleue ; puis la fleur, en se balan-

  1. G. H. Schubert. — Die Symbolik des Traums, 1814, p. 21.