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Page:Spenlé - Novalis.djvu/324

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NOVALIS

çant, l’éleva avec lui dans les airs et l’emporta vers une chambre haute. »[1]

Que chez Novalis le mythe de la Fleur bleue soit l’expression allégorique d’une pensée philosophique, c’est ce qui ressortira clairement de l’analyse même du roman. Ici encore nous retrouvons une des idées fondamentales de la Doctrine de la Science. Fichte déjà avait parlé d’une « aspiration nostalgique » — ein Sehnen — par où le Moi découvre au dedans de lui l’indication première d’une réalité étrangère. C’est, disait-il. « une impulsion qui le pousse vers quelque chose d’entièrement inconnu et qui se manifeste uniquement par un besoin, par une inquiétude, par une privation. — la recherche d’un objet qui comble cette lacune, sans qu’apparaisse la cause d’un pareil vide… Cette aspiration est importante, non seulement pour la partie pratique, mais aussi pour l’ensemble de la Doctrine de la science. Par elle seulement le Moi est refoulé sur lui-même et ensuite attiré au dehors ; par elle seulement se manifeste en lui un monde extérieur. »[2]

De cette intuition fondamentale, allégorisée par le mythe de la Fleur bleue, se développera la vie entière de Henri d’Ofterdingen. Toute la réalité environnante, — tous les personnages qu’il rencontre sur son chemin, tous les évènements auxquels il sera mêlé, lui présenteront les aspects divers, les innombrables métamorphoses de cette informulable nostalgie qui vient de s’éveiller au dedans de lui. Là, dans les intuitions du rêve et du désir, dans le « Gemüt », il lui faudra chercher la source originale de toute réalité vraie et de toute poésie. Le monde ne fait que refléter à l’infini, en des symboles concrets mais imparfaits, l’objet indéfinissable de cette aspiration métaphysique, il ne sert qu’à lui révéler toujours plus profondément son propre rêve. Les années d’apprentissage de Henri d’Ofterdingen

  1. Jean Paul Richter. — Werke. — Berlin, 1860 — « La Loge invisible » p. 189-190.
  2. Fichte, Sæmmtliche Werke. — 1845, I, p. 302-303.