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Page:Spenlé - Novalis.djvu/327

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HENRI D’OFTERDINGEN

ques grandes étapes, — un amour, une amitié, un enthousiasme, un deuil peut-être, qui ont fait une déchirure soudaine dans le voile intérieur. C’est une naissance de ce genre supérieur qui s’accomplissait dans l’âme du jeune Henri, lorsque fiévreusement il repassait dans son esprit les récits de l’Étranger et sentait sa vie entière se renouveler et s’orienter vers de nouvelles destinées.

Mais cette continuelle naissance n’est qu’un des aspects de la réalité éternelle. Il est tout aussi vrai de dire que nous mourons continuellement. La vie parfaite est un idéal dont nous nous approchons indéfiniment, sans jamais l’atteindre complètement. Ce que nous appelons la mort n’est donc qu’un anéantissement de la vie imparfaite en vue d’une vie supérieure : de là sa nécessité métaphysique. « La vie parfaite s’appelle le ciel… Ce que nous appelons ici-bas la mort n’est qu’une conséquence de la vie absolue et céleste, une continuelle destruction de la vie imparfaite… »[1] La naissance et la mort deviennent de la sorte deux termes relatifs et coexistants, comme la systole et la diastole, la pulsation intime de la vie universelle et parfaite. Nous mourons à chaque instant, dans tout ce qu’il nous faut quitter, pour atteindre une perfection plus haute, et cette mort même est la condition de tout progrès. À chaque instant s’entr’ouvrent et se referment pour nous les portes de la mort et de la vie. « En tant qu’esprits terrestres nous tendons vers la perfection spirituelle, vers la spiritualité pure. En tant qu’êtres extra-terrestres et spirituels, nous tendons vers l’organisation terrestre, vers la vie corporelle pure… Un homme qui devient esprit est en même temps un esprit qui devient corps. Cette forme supérieure de mort, si je puis ainsi m’exprimer, n’a rien de commun avec la mort ordinaire. Elle est ce que nous pourrions appeler une transfiguration… N’y aurait-il pas aussi dans l’au-delà une mort dont le résultat serait la naissance terrestre ? »[2] La plupart ne voient que

  1. N. S. II, 1, p. 244.
  2. N. S. II, 1, p. 245 et 246.