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Page:Spenlé - Novalis.djvu/334

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NOVALIS

poétiquement, que ce soit sur un ton gai ou sur un ton triste. »[1]

Est-il besoin d’ajouter que les mineurs romantiques n’extraient ni du fer, ni du charbon, mais uniquement de l’or ? Ils extraient de l’or, comme les bergers et les bergères de Mme Deshoulières gardent des brebis : par goût philosophique ou par vocation sentimentale. Ce serait singulièrement rabaisser leur noble métier que de lui assigner un but industriel ou économique. L’or pour eux n’est pas le vil métal qui excite la cupidité des mortels : il est le Roi des métaux, dans le sens alchimique, c’est-à-dire un « primat » de la nature minérale. Il représente, un état d’absolue pureté de la matière cosmique, de l’Eau-mère primitive. Son extraction prend ainsi un sens tout-à-fait idéal. C’est ce mythe alchimique de l’or que Werner expose poétiquement au jeune poète.

En un invisible et mystérieux château, au centre de la terre, habite Sa Majesté tant adulée. Elle baigne ses « membres délicats » dans les flots mystérieux, qui sans cesse restaurent le précieux métal dans sa pureté primitive. Son reflet royal semble émaner « du sang blanchâtre de sa mère », c’est-à-dire de l’Eau-mère créatrice. Quant à son palais, il est tombé « du fond des Océans profonds ». Ici encore les termes du poète ont besoin d’être interprétés dans un sens neptuniste et alchimique. Schubert, qui se rattachait également à l’école de Werner, appelle les grands massifs « les vagues pétrifiées d’un immense Océan. »[2] En se précipitant et en se solidifiant ces masses ont engendré un nouveau lien, la pesanteur, « pour empêcher la fuite vers le ciel ».[3] Cependant, s’il faut en croire certains écrits alchimiques,

  1. Steffens, Was ich erlebte, op. cit., 4. p. 223.
  2. Schubert, Ansichten etc. op. cit., p. 188.
  3. C’est le seul sens acceptable qui permette d’interpréter la 3e strophe « Son château est antique et merveilleux ; ii est tombé du fond des océans profonds, et s’est dressé inébranlable jusqu’à ce jour ; pour empêcher la fuite vers le ciel un lien invisible (c’est-à-dire la pesanteur) emprisonne à l’intérieur les sujets du royaume… »