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Page:Spenlé - Novalis.djvu/335

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HENRI D’OFTERDINGEN

le fluide primitif, où l’or baigne et purifie ses membres subtils et ses fines ramifications, ne reste pas inactif, sous les masses qui l’emprisonnent aujourd’hui. Sous forme de vapeur il s’échappe sans cesse de sa prison souterraine, reprend contact avec les éléments astraux, puis, chargé et fécondé par eux, s’accroche comme un brouillard aux parois rocheuses, et s’infiltre de nouveau dans le sol, en ruisselant à travers les tissures.[1] C’est à peu près la même opération qui se trouve décrite par Novalis. « Des sources bien connues ruissellent seules de la toiture jusqu’à lui. Ce qu’ont aperçu leurs yeux limpides dans les palais immenses des constellations, elles viennent le lui rapporter et ne tarissent point de merveilles. »

Mais c’est à présent que va apparaître la signification idéale du mythe et que s’éclairera d’un nouveau jour l’activité terrestre des mineurs. Une loi de l’idéalisme nouveau c’est en effet que le « Moi » apparaisse, que la réalité intime et cachée se révèle ou, selon l’expression de Novalis, que « le dedans de toutes choses soit manifesté au dehors ». Ainsi en va-t-il des profondeurs de la terre et de l’élément primitif. Un jour l’or, d’abord inconnu et caché, a dû apparaître à la surface et se manifester aux hommes. Sa royauté, aussitôt reconnue, a d’abord été malfaisante, parce qu’au lieu d’admirer en lui son éclat royal et merveilleux, comme un pur symbole, les hommes en ont fait un instrument matériel de jouissance, un objet de convoitise. Ils sont ainsi devenus les esclaves du nouveau monarque. Quelques-uns, plus audacieux, ont entrepris de mettre au jour sa retraite cachée. Tout en paraissant servir la cupidité humaine, ils lui ont cependant porté un coup mortel. « S’ils réussissent à découvrir l’empire intérieur, le jour de la liberté luira ». Ainsi l’auteur romantique reprend au compte des mineurs une idée souvent exprimée par les alchimistes du Moyen-âge :

  1. Compar. Phœbron Der im Lichte der Wahrheit strahlende Rosenkreuzer, Leipzig, 1782, p. 252-253. Il appelle ce mystérieux fluide, par où la matière première de la terre ne cesse d’être en rapport avec les éléments astraux l’« azote actif ».