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Page:Spenlé - Novalis.djvu/336

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NOVALIS

plus l’or se répandra, plus il perdra de sa valeur mercantile et moins il éveillera la convoitise égoïste. En même temps un nouvel Océan verdoyant, le tapis bigarré de la vie végétale, envahira le château déserté : une forme supérieure d’organisation prendra possession du monde minéral et souterrain.[1]

L’âme de Henri est préparée à recevoir l’initiation aux mystères de la Nature. Il en connaît à présent les intimes profondeurs ; il en pressent les grandes époques, les lentes évolutions, racontées par les assises successives du sol souterrain. Une chose lui manque cependant encore : c’est la perception distincte de l’universel symbolisme. Il faut que dans la nature il reconnaisse, simplement, extériorisée et pour ainsi dire matérialisée et objectivée dans ses diverses étapes et à ses divers âges, l’histoire intérieure de sa propre âme. Il faut qu’il retrouve en dehors de lui le tableau largement déployé de tout ce que contient sa propre conscience, sous une forme implicite et encore confuse. Il faut que se rapprochent les hiéroglyphes du monde intérieur et ceux du monde extérieur, afin que de ce soudain rapprochement jaillisse l’étincelle lumineuse. Dans la pénombre fantastique d’une nuit d’été s’accomplira l’initiation.

« Dans l’âme de Henri se reflétait la féerie du soir. Il eût dit que le monde reposait au dedans de lui, déployé et ouvert, et lui découvrait comme à un hôte familier ses trésors et ses charmes cachés. Tout apparaissait autour de lui, grand, simple et si intelligible ! Ce qui seul rendait la nature ainsi impénétrable, c’est qu’elle amoncelait autour de lui, avec une si grande profusion de signes variés, les réalités les plus proches et les plus familières… Les paroles du vieillard avaient soulevé au dedans de lui une tenture secrète. Il vit sa petite chambrette, adossée au flanc d’une superbe cathédrale : sur les assises de pierre s’élançait le monde austère du passé, tandis que, du haut de la coupole,

  1. Comp. avec l’ouvrage de Schubert cité plus haut p. 188, où il raconte cette même » invasion verdoyante ».