Aller au contenu

Page:Spenlé - Novalis.djvu/343

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
335
HENRI D’OFTERDINGEN

et s’enfonce dans l’abîme. Et voici reparaître la « foi » mystique, qui a inspiré le Journal et les Hymnes à la Nuit, qui anime d’une espérance secrète le disciple à Saïs et qui se trouve allégoriquement exposée dans le « Mærchen » d’Hyacinthe et de Petite-Fleur-des-Roses, — l’idée-fixe passionnelle qui oriente secrètement toutes les préoccupations scientifiques, religieuses et philosophiques du poète, sa théorie de la nature et sa conception particulière du christianisme, — le « mythe » personnel ou, si on préfère, le motif obsédant, qu’il renouvelle en des variations littéraires innombrables, où son imagination se trouve emprisonnée et comme ensorcelée : la réunion prochaine dans l’au-delà, l’attrait passionnant de la mort, le réveil complet, c’est-à-dire un rêve plus profond, après les fiévreuses illusions de la vie.

Les années d’apprentissage terrestre du jeune. Henri touchent à leur terme. Par l’amour il a été initié à la plus haute source d’inspiration poétique ; par l’immolation de ce qu’il aimait le plus au monde, une aspiration « transcendantale » s’est éveillée en lui et il a découvert un point de vue supérieur, « de l’autre côté de la vie ». Des sens nouveaux font éclore en lui une source plus haute de poésie et de sagesse. « La vraie poésie vient d’être mise au monde », écrivait l’auteur à ses amis romantiques, tandis qu’il commençait la seconde partie de son roman, et il appelait celle-ci « l’Accomplissement » (Die Erfüllung'), alors que la première n’était, encore que « l’Attente » (die Erwartung). Cependant, avant de pénétrer dans ce nouveau sanctuaire, une figure mérite encore de nous retenir quelques instants dans la sphère inférieure et terrestre : celle du poète Klingsohr.

Klingsohr, c’est Gœthe. Insurpassable en matière de métier, il fait du souci de la perfection technique l’essentiel de la vocation poétique. On se rappelle le fragment où Gœthe est défini « un poète éminemment pratique… esprit tout-à-fait simple, lucide, accommodant de tout repos…