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Page:Spenlé - Novalis.djvu/346

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NOVALIS

de Hardenberg. Je ne comprends pas une pareille chose de votre part et la seule pensée déjà me paraît coupable et impardonnable. »[1] Sans tenter à notre tour une reconstruction aventureuse, essayons simplement de formuler quelques-unes des pensées directrices qui se dégagent des fragments conservés.

La pensée générale se trouve esquissée dans le prologue, qui ouvre cette seconde partie et que vient exposer un personnage allégorique, Astralis, c’est-à-dire, s’il faut en croire Tieck, « l’Esprit parlant de la poésie et en même temps l’homme sidérique, qui est né de l’embrassement de Henri et de Mathilde. » Il faut se rappeler que Novalis, initié par Tieck, s’était plongé dans la lecture du théosophe Bœhme. Or les théosophes ont coutume de distinguer plusieurs plans de vie, selon le degré d’évolution spirituelle auquel se trouve l’homme. À chacun de ces plans correspond un univers distinct, un état particulier de la matière et de la vie cosmiques. C’est ainsi que Bœhme distinguait trois Principes, correspondant à trois Naissances : le plan physique, où l’homme est introduit par la naissance charnelle ; — le plan « astral », sorte de sphère intermédiaire entre les réalités physiques et le monde spirituel, — et enfin le plan « spirituel », ou encore la sphère divine. Et c’est aussi sur un plan « astral », situé au-dessus du monde physique, que se serait déroulée la suite du roman Henri d’Ofterdingen. Une troisième et dernière naissance devait introduire peu à peu le héros dans un univers purement spirituel. Dans ce monde intermédiaire, où nous entrons dès le début, une forme nouvelle d’existence se découvre à nous ; les barrières qui isolent les êtres s’évanouissent, la matière est devenue éthérée et translucide, les époques les plus diverses se pénètrent et se confondent ; la pesanteur des organes terrestres a fait place à des activités surnaturelles d’intuition et de communication spirituelle ; en une pénombre magique se fondent toutes les oppositions com-

  1. Walzel. op. cit., p. 268.