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Page:Spenlé - Novalis.djvu/349

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HENRI D’OFTERDINGEN

prédestination. Telle est la pensée qui se découvre à Henri d’Ofterdingen, dans un entretien énigmatique qu’il engage avec sa nouvelle compagne. « Qui t’a parlé de moi ? demanda le pèlerin. — Notre mère. — Qui est ta mère ? — La mère de Dieu.[1] — Depuis quand es-tu ici ? — Depuis que je suis sortie du tombeau. — Es-tu déjà morte une fois ? — Comment pourrais-je donc vivre ? — Es-tu seule ici ? — Il y a un vieillard à la maison ; mais je connais beaucoup de gens qui ont déjà vécu. — Veux-tu rester auprès de moi ? — Puisque je t’aime. — D’où me connais-tu ? — Oh ! depuis de longues années. Il y a longtemps que ma mère d’autrefois ne cessait de me parler de toi. — As-tu encore une mère ? — Oui, mais c’est à vrai dire la même. — Comment s’appelle-t-elle ? — Marie.[2] — Qui était ton père ? Le comte de Hohenzollern. — Je le connais aussi. Il faut bien, car c’est aussi ton père. Mon père est à Eisenach. — Tu as des parents en plus grand nombre. — Où allons nous ? — Toujours vers la maison. »

Les personnages de la première partie vont donc reparaître, mais avec des figures changées, portant des noms différents, arrivés à un degré plus avancé de leur évolution mondiale. C’est ainsi que dans le médecin Sylvestre, vieillard vénérable qui cultive son jardin, dans un ermitage mystérieux, on reconnaît la figure de l’Ermite de la première partie du roman — le comte de Hohenzollern, un des « pères » spirituels du héros. Des généalogies fantastiques se dessinent. Non seulement les personnages réels du roman, mais encore ceux de l’apologue raconté par les marchands et du conte cabalistique de Klingsohr se confondent entre eux. Toutes les limites doivent s’effacer entre

  1. La « mère » signifie ici, comme chez le théosophe Bœhme, l’Essence mystique dont Cyané est une incarnation passagère, Mathilde. Cyané, la Vierge Marie sont ainsi les hypostases successives, de plus en plus élevées de la même Essence, les exposants de plus en plus élevés de la même individualité, les incarnations successives de la Fleur Bleue.
  2. Il s’agit de Marie de Hohenzollern, dont le caveau se trouvait dans la grotte de l’Ermite, du comte Frédéric de Hohenzollern.