Aller au contenu

Page:Spenlé - Novalis.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
342
NOVALIS

la légende et l’histoire, entre le rêve et la réalité. « Klingsohr », est-il dit dans la suite projetée, « reparaît en roi d’Atlantide (le père de la jeune princesse qu’épouse, dans le « Mærchen » raconté par les marchands, le jeune ménestrel). La mère de Henri est la Fantaisie (Ginnistan), le père est le Sens, Schwaning la Lune, le mineur (Werner) est le Fer (le Héros du Mærchen)… etc. Henri est le poète du conte symbolique, raconté dans la première partie par les marchands. »

Non seulement avec les vivants actuels, mais même avec les morts de tous les temps Henri d’Ofterdingen devait avoir les plus étranges entretiens. À côté des caravanes d’Esprits qui sont actuellement en marche vers la terre promise, il y a en effet ceux qui sont parvenus au sanctuaire, qui ont définitivement accompli le cycle des naissances et des morts individuelles. Ce sont les Désincarnés. Leur vie est fondue dans le torrent universel et n’est plus rattachée, semble-t-il, à aucune organisation séparée. « Douce attirance des nuits profondes », chuchotent-ils, « méandres secrets des forces occultes, enlacements mystérieux de la volupté, — nous seuls nous vous connaissons. Nous seuls avons touché au but suprême, nous savons tour à tour nous précipiter en torrents, nous égoutter en pluie, et boire en même temps au ruisseau. » En longues strophes, pareilles à des draperies amples et flottantes, se déroule l’hymne panthéistique de l’universel transformisme. Les Désincarnés constituent une « loge » secrète, symbolisée par un cimetière, où ils célèbrent entre eux des mystères et des orgies à la fois funèbres et érotiques.[1]

Ainsi initié le héros devait entrer en rapport avec tous les grands génies du monde, avec les héros et les empereurs, les Sages et les artistes, — traverser toutes les civi-

  1. C’était, on se le rappelle, une des idées favorites des théosophes du temps que cet alliage de symboles érotiques et funèbres. On en trouverait de fréquents exemples chez Schubert et dans les « Fils de la Vallée » de Zacharlas Werner.