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Page:Spenlé - Novalis.djvu/351

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HENRI D’OFTERDINGEN

lisations de l’Orient et de l’Occident, opérer dans sa conscience de plus en plus élargie, ce que Novalis appelait « le processus d’universelle unification » (der allgemeine Reunionsprozess). Une époque particulièrement semblait avoir frappé l’imagination du romancier : celle de l’empereur Frédéric II, avec ses troubadours, ses médecins, ses imams et ses alchimistes. L’illustre gibelin, excommunié par le pape, représentait à ses yeux le monarque philosophe, artiste et alchimiste, vaguement théosophe, hérétique et mystique, à qui la légende attribuait le livre « de Tribus impostoribus », cet ouvrage qui causa au moyen-âge une terreur superstitieuse, bien que personne n’en eût lu une seule ligne. À sa cour l’Orient et l’Occident se donnaient la main ; il dirigeait une véritable académie philosophique, se mettant en rapport avec les docteurs d’Arabie, d’Égypte et de Syrie, tandis que ses médecins essayaient par l’observation directe de renouveler les sciences de la nature.

« Henri », est-il dit dans un fragment, « se rend à la cour de Frédéric II et apprend à connaître personnellement l’empereur. La cour devait former un tableau merveilleux, où se trouvaient groupés les hommes les meilleurs, les plus grands, les plus remarquables du monde entier. L’empereur lui-même devait être la figure centrale. On voyait représentée la vie la plus fastueuse et le vrai grand monde. Le caractère allemand et l’histoire de l’Allemagne sont révélés. Henri s’entretient avec l’empereur du gouvernement, de la dignité impériale. Entretiens obscurs au sujet de l’Amérique et des Indes orientales. Les pensées d’un prince. Le livre « de tribus impostoribus ».[1]

À partir de cet instant nous perdons de vue les traces du héros. Le fameux épisode du tournoi des Chanteurs à la Wartburg devait-il figurer dans le roman ? C’est fort douteux. « J’ai encore mûrement réfléchi au Tournoi des Chanteurs à la Wartburg », lisons-nous dans un fragment, « décidément je l’abandonne. Je mettrai à la place

  1. N. S. I, p. 189.