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Page:Spenlé - Novalis.djvu/353

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HENRI D’OFTERDINGEN

le christianisme à travers Raphaël ou les mystiques du Moyen-âge. Il leur manque partout, dans l’art comme dans la vie, un point de vue original, bien à eux. De là leur nostalgie philosophique et historique.

On peut dire, à cet égard, que le roman Henri d’Ofterdingen résumé le mieux les destinées intérieures de cette génération littéraire. Après avoir débuté dans les profondeurs les plus intimes de la conscience individuelle, il allait se perdre dans les régions nuageuses de la métaphysique transcendante et de l’historisme sentimental. De plus en plus l’auteur voulait puiser dans des lectures, et non directement dans la vie même, l’inspiration et la charpente de son œuvre. Le passé germanique, le classicisme hellénique, le Moyen-âge chrétien et les mylhologies orientales devaient s’y donner rendez-vous, s’y amalgamer dans un pot pourri fantastique. La mort même de Henri d’Ofterdingen, — qui couronne l’œuvre comme d’une apothéose symbolique, est à cet égard significative. C’est l’artiste romantique qui immole son Moi, tout ce qui le rattache encore à une organisation individuelle, particulière, historique, pour se plonger à corps perdu dans sa nostalgie panthéistique de l’infini : c’est la conclusion nécessaire et la manifestation suprême de ce « morbus mysticus », où Hegel croyait reconnaître « une consomption de l’esprit », et qui fut la maladie moins d’une individualité, que d’une génération entière.

Est-ce à dire que dans cette dissolution rien ne soit né de nouveau et de positif ? Dans le premier romantisme allemand deux tendances fécondes se sont affirmées. L’une aboutit à une rénovation de la critique, des sciences historiques et religieuses, dont l’initiative est due, pour une grande part, aux frères Schlegel. L’autre tendance, — représentée surtout par les poètes, Novalis et Tieck, — provoqua une rénovation artistique, une conception religieuse, symboliste et surtout musicale de la littérature, dont nous pouvons voir aujourd’hui encore, sous nos yeux, les dernières manifestations et les lointaines conséquences. Il nous