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Page:Spenlé - Novalis.djvu/355

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HENRI D’OFTERDINGEN

lis crut avoir apporté une solution dans son Henri d’Ofterdingen.

La supériorité du roman, à ses yeux, c’est que précisément il ne constituait pas un genre distinct, c’est qu’il ne répondait à aucune définition bien arrêtée, c’est qu’il était une simple formule de synthèse. Au théâtre, règne despotiquement le principe de l’imitation de la réalité. Nous entrons dans la sphère inférieure, où les conflits s’affirment comme réels. L’homme actif et volontaire seul s’y trouve représenté. D’autre part la poésie lyrique révèle plus directement l’homme « intérieur », — mais elle isole ce dernier dans l’univers, c’est une forme d’art trop individuelle, trop subjective ou, selon la terminologie de Schiller, trop « sentimentale ». Seul le roman, tel que Gœthe l’avait ébauché dans son Wilhelm Meister, se prêtait à l’exposition intégrale de l’idéal romantique, essentiellement encyclopédique et synthétique. « Le roman ne devrait-il pas comprendre tous les genres littéraires, dans une succession variée, qu’animerait un même esprit ?… Tantôt conversation, tantôt discours, puis réflexion, puis description et ainsi de suite. Pur reflet de l’âme romantique (ganz Abdruck des Gemüts), où le sentiment, la réflexion, l’intuition, l’image, le dialogue, la musique, etc., alternent sans cesse avec rapidité et se groupent en masses limpides et transparentes. »[1]

Mais si extensible qu’on imaginât cette formule artistique. encore fallait-il en déterminer la teneur générale. Ce que le roman nous présentera donc, c’est, d’abord une interprétation idéaliste de la vie, une philosophie nouvelle de l’Homme et de l’Univers. L’art romantique, avons-nous vu, veut fondre la métaphysique et la poésie en un genre unique et supérieur. Le philosophe est déjà un poète, mais un poète incomplet et tendancieux. Il part de l’idée, du Sujet identique et absolu, pour se rapprocher peu à peu du monde concret, de la vie infiniment mouvante et diversifiée. Mais celle-ci, dans sa totalié, lui échappe toujours ; elle glisse

  1. N. S. II, 1, p. 320.